Le 10 novembre 2021
Un récit poignant sur le retour d’un fils chez sa mère souffrante, une vingtaine d’années après leur séparation.
- Auteur : Christophe Perruchas
- Collection : La brune
- Editeur : Éditions du Rouergue
- Genre : Roman
- Nationalité : Française
- Date de sortie : 18 août 2021
- Plus d'informations : Site de l’éditeur
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Résumé : En 1987, un collégien de 14 ans apprend que la 504 Peugeot de son père a fait une sortie de route et percuté un pylône électrique. Il n’a pas survécu à l’accident. L’enfant vit alors seul avec une mère qui a la fâcheuse tendance à garder tous les objets qui lui tombe sous la main. Peu de temps après ce drame, elle est internée en hôpital psychiatrique. Sa mémoire s’embrouille, elle ne se souvient plus de son fils et n’a de cesse de se convaincre que son premier enfant, Jean, qui a succombé à la mort subite du nourrisson, va revenir. Voilà comment un adolescent se retrouve dans l’obligation de quitter ses amis, pour déménager de Nantes à Rennes chez son oncle Robert et sa tante Jacqueline.
Critique : Ce deuxième roman de Christophe Perruchas est particulièrement dur et noir, fondé sur deux temporalités, 1987 et 2007, et deux voix -tantôt le fils et tantôt la mère qui emploie le « on », laissant ainsi penser qu’elle est avec Jean-.
Dans la première partie du livre, le narrateur, dont on ne connaîtra jamais le prénom, est confronté dès l’adolescence à la mort de son père. Cependant, ce n’est pas ce fait tragique que retient l’auteur pour bâtir son récit. Dès les premières lignes, le lecteur est dans l’ambiance : « Les boites de Nesquik, on ne les jette pas. Dedans, quand elles sont vides, on met des épices,… on les habille d’une sorte de tissu… Et puis, on les aligne sur la table de la cuisine », ou bien encore : « Après le dîner, on a sorti le sac des tubes de smarties. On en a cent trente,… on les utilisera comme des petites coupelles. »
On comprend très vite que la maladie de la mère va être au cœur du roman. L’accumulation compulsive, connue sous le nom syndrome de Diogène, est en effet le fil conducteur de l’histoire. C’est une pathologie terrible, dont la description très pointilleuse donne la chair de poule. Une maison encombrée, un puits sans fond. Difficile de se prémunir quand on a quatorze ou quinze ans face à de tels troubles mentaux. L’enfant essaie malgré tout de se construire, de s’éloigner, en s’installant à l’intérieur de la caravane de son père, dans le jardin, lieu en retrait où il invite ses amis, et surtout Sofia ainsi qu’Isabelle. Mais, comme si cela ne suffisait pas, sa mère souffre aussi d’amnésie. C’est donc le départ inéluctable pour Rennes.
Dans la seconde partie du roman, vingt ans après, on est soulagé d’apprendre que le fils a pu recouvrer une vie plutôt normale. Il a un métier, une épouse, des enfants. Mais, très vite, le passé le rattrape et il va lui falloir à nouveau gérer sa mère et sa folie, cette femme qui l’a « orpheliné de son vivant », l’a rayé de sa mémoire et qui a sanctuarisé la chambre de Jean. Les détails sont horriblement réels et convaincants. Le lecteur n’a aucun mal à imaginer cette vieille femme aux cheveux longs et jaunes, en chaussures de sport, qui se faufile dans sa maison entre tous les tas d’objets et amas d’immondices. A quarante ans, il va donc essayer de « revenir fils » dans la vie de sa mère, d’user de stratagèmes pour qu’elle puisse le reconnaître. Mais, parviendra-t-il à concilier sa vie de famille avec cette lourde charge ? Pourra-t-il l’imposer à sa conjointe ? L’auteur suscite notre interrogation, à partir des sentiments de honte, de peur et d’incompréhension que manifeste l’entourage.
Avec une grande justesse, Christophe Perruchas arrive à montrer le désarroi de cet homme face à sa mère malade qui l’a abandonné, après la mort de son père. On ressent tout le poids qui pèse sur les épaules du fils lorsqu’il pénètre dans l’antre de cette accumulatrice, on perçoit sa douleur et son vertige à la vue du mur qu’il va devoir franchir. La fin inattendue est l’illustration terrible de cette détresse. Revenir fils est un roman réussi, qui place le lecteur en spectateur démuni devant la souffrance d’un homme que la vie n’a pas épargné.
Pages : 288
Prix : 20€
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