Le 24 septembre 2024
Résistances, Quartiers Lointains, c’est tout simplement quatre moyens métrages tournés aux quatre coins du continent noir, qui témoignent de la vivacité, du courage et de la force d’un cinéma africain contre l’ordre établi. Une expérience de cinéma magnifique.
- Réalisateurs : Ramata-Toulaye Sy - Sameh Alaa - Amina Abdoulaye Mamani
- Acteurs : Salamatou Hassane, Djaoro M’badi Youssouf, Oumarou Aboulaye Mamani
- Genre : Drame, Documentaire
- Nationalité : Britannique, Français, Belge, Burkinabé, Égyptien, Éthiopien, Rwandais, Qatari, nigérien
- Distributeur : Sudu Connexion
- Durée : 1h22mn
- Date de sortie : 25 septembre 2024
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Résumé : On a souvent parlé de résistance quand il s’agissait de guerre, civile ou militaire. Mais la révolte de fait, l’insoumission face à ce qui nous est imposé dans un cadre familial, politique, religieux ou culturel est aussi une forme de résistance. Qu’ils soient basés au Nord ou à l’Ouest du continent, les protagonistes des quatres court-métrages de cette 8e saison de Quartiers Lointains abordent de manière politique et poétique plusieurs formes de ténacité et d’insurrection envers l’ordre établi.
Critique : Quatre films, quatre expériences, quatre manières de rendre compte d’un continent en pleine révolution intellectuelle et culturelle où le peuple, et notamment les femmes, aspirent enfin à la justice et la liberté. L’une au Niger où le spectateur assiste impuissant à la livraison d’une enfant aux mains de jihadistes, la seconde en Éthiopie où une mère témoigne du silence assourdissant qui couvre des années de génocide contre le peuple, une troisième au Sénégal où une petite fille tente d’échapper au joug induit par la condition des femmes, et la dernière en Égypte, où un jeune homme peut revoir sa petite amie défunte en se drapant dans les habits sombres d’un niqab.
Cette huitième saison donne à voir un cinéma d’une très grande force évocatrice, où les cinéastes n’hésitent pas à prendre le contrepied de la bien-pensance pour aborder frontalement la question de la liberté et de l’éthique. Il faut d’emblée avouer que le cinéma européen ne peut pas rivaliser avec ces récits qui prennent tous les risques pour critiquer des états de la société où les femmes notamment, mais pas seulement, sont annulées dans leurs identités profondes. On est très loin d’un cinéma artisanal, peu ou mal financé, les quatre réalisateurs s’attachent à un soin magnifique apporté à la photographie, à la musique, au jeu des acteurs, dans le seul but de ne jamais dénaturer leur colère contre les ordres établis et leur désir de liberté.
- Copyright La Chauve-Souris, Kazak Productions, Astou Prod
L’affiche elle-même annonce un contenu et un formalisme magnifiques qui, au lieu d’enfermer le sens dans des effets de style visuels, transcendent au contraire des thématiques politiques et sociales, très complexes à incarner au cinéma. Il faut saluer l’écriture qui est extrêmement travaillée, alliée à une mise en scène où chaque image, chaque plan concourent à la puissance du propos. Les quatre films empruntent un langage et une matière cinématographiques très différents, qu’il s’agisse du documentaire, du poème filmique, ou du récit réaliste et brut. À chaque fois, le spectateur est ainsi saisi d’une opportunité à lire le réel dans toute sa multiplicité esthétique et culturelle, provoquant chez lui un trouble, des émotions contre lesquels il ne peut pas lutter.
En quittant ces quatre moyens métrages, le spectateur perçoit dans sa chair que les véritables changements sociétaux de fond passeront inévitablement par la création artistique et la voix des femmes. Le choix esthétique convoqué par les quatre réalisateurs apporte une intensité politique supérieure, quasi spirituelle, que les personnages habitent avec une grande générosité. Le personnage Ée la mère du deuxième court par exemple, qui a échappé à la barbarie en Éthiopie dans les années 70, illustre dans son rire, la cruauté d’un monde qui ne recule pas devant l’horreur, et pourtant qui hiérarchise la douleur, comme s’il y avait des crimes contre l’humanité moins intéressants ou moins légitimes que d’autres. On mesure dans ce film la provocation du propos, et en même temps, ne dit-elle pas la vérité ?
- Copyright Story Compound
Résistances, Quartiers Lointains offre une palette d’expressions de quatre sociétés africaines, aussi complémentaires que totalement différentes. En ce sens, elle rend compte d’un continent très grand, très éclectique, que l’ethnocentrisme occidental réduit parfois à une seule image figée, où les peuples luttent chacun à leur manière pour la reconnaissance qui leur est due, et l’aberration parfois du fait religieux et politique.
Voilà un film qu’il faut se précipiter de voir, d’une part parce que ce cinéma a plus que besoin de survivre parmi les nombreuses sorties mensuelles, d’autre part parce que la liberté écrit son nom dans une œuvre qui hantera longtemps les spectateurs.
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