En terre inconnue
Le 12 avril 2025
La première et fière empreinte de la machine guerrière dénommée John Rambo. Un film ambigu, sauvage et politique sur le retour miné des vétérans du Vietnam.


- Réalisateur : Ted Kotcheff
- Acteurs : David Caruso, Sylvester Stallone , Richard Crenna, Brian Dennehy, Bill McKinney, Jack Starrett
- Genre : Drame, Action, Historique, Film de guerre, Film culte
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Tamasa Distribution
- Durée : 1h37mn
- Date télé : 25 septembre 2024 23:10
- Chaîne : C8
- Reprise: 18 septembre 2019
- Titre original : Rambo - First Blood
- Âge : Interdit aux moins de 12 ans
- Date de sortie : 2 mars 1983
- Voir le dossier : La saga Rambo

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Résumé : John Rambo est un héros de la Guerre du Vietnam errant de ville en ville à la recherche de ses anciens compagnons d’armes. Alors qu’il s’apprête à traverser une petite ville pour s’y restaurer, le Shérif Will Teasle l’arrête pour vagabondage. Emprisonné et maltraité par des policiers abusifs, Rambo devient fou furieux et s’enfuit dans les bois après avoir blessé de nombreux agents. Traqué comme une bête, l’ex-soldat est contraint de tuer un policier en légitime défense. Dès lors, la police locale et la garde nationale déploient des moyens considérables pour retrouver le fugitif. Le Colonel Trautman, son mentor, intervient et essaie de dissuader les deux camps de s’entre-tuer pendant que Rambo, acculé et blessé, rentre en guerre contre les autorités.
Critique : De mémoire, le nom de Rambo s’associe au sein de notre imaginaire cinéphile à ce soldat rêche, définitivement éternel et imbattable. Or, ce souvenir rend opaque l’autre versant du personnage. Celui porté par ce visage supplicié, marqué par les stigmates vifs d’une guerre pourrie : le Vietnam. Bien qu’il demeure cette arme mortelle, John Rambo a enfoui en lui les souffrances précipitées, flèches trop acides pour ne jamais réapparaître comme une nuée de douleurs.
De cette contradiction inhérente à Rambo, le réalisateur Ted Kotcheff réussit à soutirer le substrat brut qui fait de ce film une œuvre essentielle d’un moment charnière aux États-Unis : le passage aux années 80. Animé par cette tension extrême, First Blood maintient son héros funambule jusqu’à l’explosion finale, comme une libération fatale, d’une violence si étonnante et fulgurante qu’elle s’éteint de ce même geste dans le relâchement troublant de Stallone.
- © StudioCanal
D’entrée, le film déstabilise le spectateur en sapant nos attentes à travers cette mise en scène du paradoxe. John Rambo débarque dans une bourgade du Middle West tranquille jusqu’à l’avilissement, à la recherche d’un compagnon de guerre, dernier survivant de son escadron d’élite. Arrivé chez lui, dans cette nature ensoleillée et printanière, il ne trouve qu’une femme qui finit par lui avouer la mort de son ami. Changement de tonalité, ses cernes lestées défigurent le paysage d’une Amérique qu’on ne trouvera jamais accueillante. Dès ce contre-pied de départ, le film plonge alors dans l’absurde de la violence qui monte en crescendo. Quelques flashback subliminaux, presque superflus, rappellent son passé torturé en Asie. Mais Rambo devient cette bête chassée, prise au piège, qui va se transcender pour ravager cet environnement explicitement nuisible et agressif. Ce déroulement progressif par l’absurde souligne le conflit interne à notre béret vert : sa faillite contradictoire naît de l’incompréhension d’un héros sacrifié pour sa patrie, mais déchu par celle-ci. C’est bien simple, chaque élément qui caractérise Rambo trouve toujours son reflet en négatif dans un dépliement schizophrène palpant l’inévitable hématome d’un retour de bâton en territoire américain ; c’est-à-dire chez lui, coin maternel où, la garde baissée, Rambo finira abattu.
Ce premier épisode écrasé par ses suites marchandises, subit les relents imaginaires d’un film hébété malgré ses qualités. A vrai dire, Rambo se maintient au niveau des grands films qui ont discuté la politique américaine au Vietnam en ramenant la question sur le malaise intérieur des vétérans (on pense Voyage au bout de l’enfer, la fresque politique de Cimino). Le peuple américain n’avait pas besoin de voir « ses morts » revenir des entrailles, hantés par un conflit désespérant et sans fin. Stallone consacré comme l’icône du héros baraqué, est en fait présenté sous la forme d’un intrus court-circuitant la mémoire d’un peuple qui, fatigué du bourbier vietnamien, préféra oublier ses fils restés au front. Un vrai paradoxe pour une œuvre contradictoire.