Le 8 avril 2024
Sincère dans les intentions, et d’une grande sensibilité, Quelques jours pas plus met en scène avec beaucoup de brio la complexité des parcours migratoires en France et les limites des dispositifs d’hébergement et d’accompagnement. Un film généreux avec des interprètes d’une grande justesse.
- Réalisateur : Marc Salbert
- Acteurs : Hippolyte Girardot, Benjamin Biolay, Camille Cottin, Andranic Manet, Saadia Bentaïeb, Makita Samba, Amrullah Safi
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Français
- Distributeur : Bac Films
- Durée : 1h43mn
- Date de sortie : 3 avril 2024
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Résumé : Arthur Berthier, critique rock relégué aux informations générales après avoir saccagé une chambre d’hôtel, découvre que le journalisme est un sport de combat. Envoyé à l’hôpital par un CRS en couvrant l’évacuation d’un camp de migrants, il tombe sous le charme de Mathilde, la responsable de l’association Solidarité Exilés et accepte, pour quelques jours croit-il, d’héberger Daoud, un jeune Afghan.
LIRE NOTRE INTERVIEW DE JULIE NAVARRO
Critique : Arthur fait partie de ces critiques de musique autant lunaire que déconnecté de la vie réelle. Il erre de festivals en festivals, se plongeant dans tous les excès alcooliques et sexuels, lesquels amènent son rédacteur en chef à le positionner sur les affaires courantes de la rédaction. Il est alors précipité en plein dix-huitième arrondissement de Paris où les migrants affluent auprès d’une association solidaire, en mal d’un hébergement adapté et de réconfort. La police intervient et notre journaliste se retrouve malgré lui embarqué dans ce combat sans fin en faveur des populations exilées qui se terrent au nord de la capitale, en proie à des solutions durables ou habitées par le désir de rejoindre la Grande-Bretagne.
- Copyright Bac Films
Quelques jours pas plus est donc un film d’une très grande actualité, dans le contexte où le nombre de candidats à l’exil anglais se multiplie chaque jour, générant à la fois une véritable solidarité, mais aussi des réponses gouvernementales musclées pour éviter la spectre du populisme en Europe. Bref, voilà une question sociétale des plus complexes, où la bonne volonté ne suffit pas, l’épuisement est imminent pour les bénévoles, et l’exaspération des riverains est tout aussi légitime. Julie Navarro propose un long-métrage dense, sincère, qui démontre avec une véritable acuité l’impossibilité pour les autorités d’apporter des réponses qui conviennent au plus grand nombre, la nécessité de développer des solidarités locales, et la rareté des aides sociales et des dispositifs face à un phénomène qui dépasse les seules frontières françaises. En même temps, la réalisatrice ne se résout pas à faire un film politique. Elle habite son histoire de personnages attachants, un peu paumés, qui grandissent le récit de leurs émois personnels. Évidemment, l’amour se mêle à la fiction, déployant alors l’empathie évidente du spectateur.
- Copyright Bac Films
L’histoire ne serait pas réussie si Julie Navarro ne s’était pas entourée de deux grands comédiens, Benjamin Biolay et Camille Cottin. Le premier, on le sait, musicien avant tout, se moque gentiment de lui-même, avec un bagout qu’on lui connaît et une véritable authenticité. On peine à imaginer qu’il se soit embarqué sur un tel projet sans partager la vision solidaire de la réalisatrice. La seconde s’implique avec une belle énergie dans le portrait d’une avocate qui a abandonné son cabinet du jour au lendemain pour se consacrer bénévolement aux migrants et aux SDF. Bien sûr, si tant est que l’on ne soit pas d’accord avec l’accueil qui est fait en faveur de ces populations en errance, la démagogie n’est pas très loin. Mais Julie Navarro restitue, avec un vrai attachement pour ses personnages, la difficulté à la fois d’apporter des réponses insuffisantes à la problématique européenne des flux migratoires et la nécessité en même temps d’œuvrer chacun à sa manière pour éviter le pire et l’insupportable.
Voilà donc un long-métrage pétri d’humanisme et d’intentions sincères qui n’empêche pas les émotions d’affleurer sur l’écran. On rit, on pleure avec ces héros invisibles du quotidien et ces gars venus du bout du monde qui se rêvent légitimement un ailleurs. Cela étant dit, la réalisatrice aborde non pas l’immigration économique, mais la demande d’asile qui demeure une obligation conventionnelle de la France. Les réponses à apporter en matière d’hébergement et d’accompagnement se comprennent donc à l’aune de choix démocratiques dont l’Europe et ses États se sont dotés. Le film fait ainsi figure de pédagogie pour celles et ceux qui seraient éloignés de ces questions sociales et politiques. Julie Navarro attrape le spectateur par les sentiments, sans verser dans le mélodrame ou la manipulation des esprits. Quelques jours pas plus est une œuvre de cinéma, conçue pour penser et discuter le dimanche en famille, mais surtout pour provoquer la jubilation d’un récit bourré de tendresse et d’humanité.
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