Alfred Hitchcock invente la farce d’espionnage
Le 3 septembre 2020
En 1916, un militaire, que l’on fait passer pour mort, est envoyé en Suisse où il va rejoindre une petite équipe chargée de tuer un traître. Hitchcock s’emmêle un peu dans ce film qui peine à trouver son style. Néanmoins, l’histoire ménage quelques moments forts qui annoncent les chefs-d’œuvre à venir.
- Réalisateur : Alfred Hitchcock
- Acteurs : Peter Lorre, Madeleine Carroll, Robert Young, Percy Marmont, John Gielgud
- Genre : Espionnage, Noir et blanc
- Nationalité : Britannique
- Durée : 1h26min
- Titre original : Secret Agent
- Date de sortie : 27 juillet 1936
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Résumé : 1916 : Dans un hôtel particulier, des personnes défilent devant le cercueil d’Edgar Brodie (John Gielgud), mort au combat. Un maître d’hôtel manchot remercie ensuite le personnel de maison, avant de détruire ce même cercueil qui est... vide. On apprend que "R", le chef des renseignements britanniques (Charles Carson), a organisé cette fausse cérémonie pour envoyer secrètement Brodie sous le nom de Richard Asherten en Suisse, afin d’éliminer un traître. On lui adjoint un curieux partenaire, un Mexicain surnommé "le Général" (Peter Lorre).
Critique : Après le succès de sa précédente réalisation Les 39 marches ("The 39 steps", en 1935), Alfred Hitchcock poursuit la veine "espionnage", en adaptant de nouveau un roman. Après John Buchan, il choisit Somerset Maugham. Cet écrivain n’était pas vraiment un spécialiste du genre. Il a néanmoins créé un protagoniste appelé Richard Asheten, agent secret, pour une série de nouvelles écrites en 1928.
Hormis le personnage et l’époque, il ne reste pas grand-chose de ces récits dans le film. Avec son goût pour le facétieux, le metteur en scène s’est amusé à réaliser une farce d’espionnage, si l’on peut dire.
L’histoire qui est contée n’est pas sérieuse : Richard Asherten n’a pas de réelles compétences en la matière et il agit souvent à contrecœur. "Le général" est un histrion improbable, tout à la fois séducteur et cruel. Une fois en Suisse, Asheten découvre qu’on lui a inventé une épouse, Elsa (Madeleine Carroll), qui, même si elle n’a pas froid aux yeux, est totalement novice dans le métier. D’ailleurs, un touriste un peu dandy, Robert Marvin (Robert Young), la poursuit de ses assiduités.
Cette ambiance curieuse et décalée va prendre une autre tournure quand nos trois espions amateurs vont tuer un homme innocent qu’ils ont pris pour le traître. Cet élément réellement dramatique perturbe inévitablement le récit, à la base primesautier.
Malgré tous ces défauts, on retrouve néanmoins la patte du cinéaste : on évoquera la scène d’ouverture des fausses obsèques, totalement muette, qui révèle l’esprit pince-sans-rire de l’auteur, on mentionnera le rendez-vous dans une église où l’organiste doit donner des informations, ainsi que la séquence où Asherten et "le général" doivent se réfugier dans le clocher (ils ne pourront pas s’entendre sous le fracas des sonneries de cloche). La course-poursuite dans une chocolaterie (Suisse oblige), parmi les machines et les boîtes de chocolat, s’avère également originale et tout à fait réussie. Si Madeleine Carroll et Robert Young sont impeccables, Peter Lorre en fait des tonnes, et John Gielgud, raide comme un piquet, semble se demander ce qu’il fait là !
Bancal pour toutes ces raisons, le film possède des qualités que le cinéaste va développer et améliorer, et qui s’incarneront véritablement dans ses œuvres majeures.
Claude Chabrol, grand admirateur de Hitchcock, qui a coécrit avec Eric Rohmer, en 1957, l’un des tout premiers livres sur le cinéaste, appelé sobrement "Hitchcock", avouait avoir un faible pour les longs métrages les moins admirés du maître, et notamment celui-ci. Il disait même s’en être lointainement inspiré dans son film Merci pour le chocolat (2000), où on retrouve la Suisse...et le chocolat !
Attention : le titre original "Secret agent " a été repris pour la traduction française de "Sabotage" du même Alfred Hitchcock, tourné juste après, la même année.
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