Le 1er mars 2023


- Scénaristes : Ingrid Chabbert>, Pog>
- Dessinateur : Pauline Bertrand
- Genre : Drame, Société
- Editeur : MARAbulles
- Famille : BD Franco-belge
- Date de sortie : 25 janvier 2023
Une histoire courte de trauma long et de vengeance sourde.
Résumé : Hélène laisse sa famille pour revenir chez elle, afin d’assister à l’enterrement d’une copine de lycée, retrouvant son père malade et ses anciennes amies, mais aussi un passé qui n’était pas disposé à la laisser tranquille...
Critique : Il serait peut-être dommage de lire cette critique avant d’avoir ouvert le livre : j’admets avoir été bluffé par le vertige qu’elle procure, tant elle descend abruptement dans les méandres trop invisibles de notre société pour y porter un regard fatalement vrai. De fait, avec son introduction assez tranquille, où l’on se dit que la maladie d’Alzheimer du père de l’héroïne sera le nœud de l’intrigue - alors qu’il n’est qu’un de ses prolongements - Préjudice contrastait avec sa couverture qui s’annonçait presque comme un polar. Le reste s’enchaîne : révélations rapides, flash-backs de plus en plus longs, catharsis finale, et le lecteur ne peut que s’étonner de non seulement comprendre les motivations des filles de ce récit, mais également de partager leurs actes avec une farouche approbation. L’idée de justice est, sans être littéralement évoquée, le fil rouge de l’œuvre, qui d’ailleurs l’annonçait dans son titre, pour faire frémir et réfléchir en même temps que l’on découvre le drame pernicieux qui se joue, sans que l’on soit dans la tension de l’enquête policière ou le gouffre du problème familial.
© Marabulles / Bertrand
Le dessin chaleureux de Pauline Bertrand explique peut-être ce décalage subi, car les personnages dégagent une sympathie subtile, grâce à leur normalité tout d’abord, puis leurs réactions épidermiques par la suite, qui ne modifient pas profondément leurs traits mais en font des êtres humains normaux, dotés d’émotions. Le cadre de cette petite ville française de province immuable contribue à créer cette sensation de terrain connu, qui d’ailleurs amplifie le malaise. Lentement mais sûrement, ce cadre se noircit et les personnages se raidissent, sans que l’on bascule d’un coup, sans que l’on s’en aperçoive, signe d’un trait efficace.
© Marabulles / Bertrand
Évocation fine mais non moins cruelle d’un épisode traumatisant d’une vie, pacte féminin en réponse à l’injustice , Préjudice fait ressentir et réfléchir dans un même instant, lecture moderne et intelligente.
128 pages – 20,95 €