Le 24 avril 2021
Une œuvre futuriste et fantastique, qui non seulement confirme le talent du jeune cinéaste Brandon Cronenberg, mais fera sans doute date dans l’histoire de la science-fiction au cinéma.
- Réalisateur : Brandon Cronenberg
- Acteurs : Jennifer Jason Leigh, Sean Bean, Andrea Riseborough , Tuppence Middleton, Christopher Abbott
- Genre : Science-fiction, Épouvante-horreur
- Nationalité : Canadien
- Distributeur : Lonesome Bear
- Durée : 1h44mn
- VOD : Canal VOD
- Date télé : 11 août 2021 22:19
- Chaîne : Canal + Cinéma
- Date de sortie : 7 avril 2021
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Résumé : Tasya Vos travaille au sein d’une organisation secrète qui utilise une technologie neurologique de pointe à des fins criminelles : habiter le corps d’une personne dans le but de la pousser à tuer aux profits de clients très riches. Tout se complique pour Tasya lorsqu’elle se retrouve dans le corps d’un homme dont l’appétit pour le meurtre et la violence dépasse de très loin le sien… Au point de la déposséder de sa propre identité ?
Critique : Les chats ne font pas les chiens, prétend le fameux proverbe. En tout cas, Brandon Cronenberg, qui n’est autre que le fils de l’illustre cinéaste, offre un nouveau long-métrage dans la droite lignée des œuvres fantastiques de son père, avec quelque chose dans l’esthétique en plus, qui rajoute à la fascination que provoque Possessor. On ne sait pas à quelle moment le récit se passe, s’il est contemporain, antérieur ou postérieur à notre époque. Toujours est-il que cette temporalité incertaine fixe d’emblée une forme d’universalité, dans un futur qui pourrait être le nôtre, avec la montée en puissance de l’intelligence artificielle et de la réalité augmentée. Tous les thèmes de l’œuvre du père sont présents, comme la fluctuation du temps et de l’espace, le double schizophrénique, la superposition du réel et de vraisemblable, avec en sus une recherche de l’image nouvelle qui ferait penser au cinéma d’un certain David Lynch ou même d’un certain Stanley Kubrick.
- Copyright The Jokers
Le travail sur l’esthétique est sans doute le plus remarquable dans ce récit où se mélangent les temporalités et les personnages. Les lieux, souvent majestueux, sont rehaussés par un cadrage parfait qui donne à l’histoire une perspective toute particulière. Des espaces plus cloisonnés, nécessairement anxiogènes, contrastent avec la grandiloquence des autres endroits, mettant dos à dos les dorures de la société capitaliste et bourgeoise avec celle du peuple qui exécute les projets machiavéliques des puissants. A l’heure où explosent les fausses rumeurs sur les réseaux sociaux, le cinéaste joue sur un modèle de société où le complotisme et l’obscurantisme dominent, au nom de l’éternel appât du gain. L’héroïne principale, aussi criminelle qu’elle est victime de la machinerie à tuer dans laquelle elle est entraînée, est un personnage complexe, quasi insaisissable. On peine à savoir si elle est menée par une forme d’addiction qui la pousse à se soumettre à cette technologie neurologique diabolique, ou si elle n’en éprouve pas un certain plaisir. Quand elle est propulsée dans le corps d’un jeune homme, séduisant et désirable, elle est presque dépassée par la fulgurance de son hôte et se retrouve malgré elle victime de la démence du personnage. Les faits se déroulent alors dans un climat sombre, de plus en plus incontrôlable, jusqu’à la séquence finale absolument remarquable qui donne sens à tout le récit.
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S’agit-il d’un film d’épouvante ou d’une fable mystique et futuriste ? On ne sait pas. Toujours est-il que Brandon Cronenberg joue avec les couleurs, les flous, les lumières et les sonorités pour emporter son spectateur dans un espace quasi impressionniste. On se plaît à se perdre dans ce labyrinthe où, malgré soi, on finit par reprendre pied. Il y a un attrait délicieux à s’égarer tout le long d’une œuvre de cinéma et de devoir attendre la scène finale pour identifier la cohérence générale du propos. L’écriture du film est habile, tortueuse, elle amène le spectateur dans des contrées inconnues qui, paradoxalement, lui semblent très proches de sa propre réalité quotidienne. Le cinéaste ne cherche pas à faire peur. Il provoque l’envoûtement, déroute son spectateur, dans un film proprement jouissif. Et il invite à une réflexion profonde sur les enjeux éthiques qui pèsent sur la technologie, la recherche en intelligence artificielle et en réalité augmentée.
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Possessor est un film qui permet de retrouver l’artisanat des films fantastiques des années 70-80. Jamais le cinéaste ne se repose sur l’utilisation des images de synthèse. Il préfère construire son récit en recourant à des marionnettes, des effets spéciaux visuels, comme on a pu longtemps le faire dans le cinéma d’horreur. En quelque sorte, le long-métrage rend hommage à toutes ces œuvres qui ont fait trembler des générations de spectateurs et que l’on regarde aujourd’hui avec un œil amusé. Plus gravement, le metteur en scène pose un regard sur notre société contemporaine où l’argent, la sexualité et l’individualisme cimentent les rouages terribles d’une science qui perd pied.
Version DVD
Quatre suppléments composent le DVD glaçant du film. Le premier, Crise d’identité, donne la voix aux comédiens et aux équipes du long métrage, qui apportent leur vision de Possessor. Naturellement, le témoignage de Cronenberg fils est passionnant, révélant que l’écriture de cette création s’est faite à travers l’actualité de l’affaire Snowden, qui trahit l’intrusion de l’État, de plus en plus prégnante, dans l’intimité des gens. Le réalisateur d’Antiviral inscrit son œuvre dans une dimension à la fois fictive et actuelle. Les enjeux d’intelligence artificielle et de réalités parallèles renforcent le statut visionnaire des propos du réalisateur.
Un second bonus explicite nettement cette question troublante de la réalité augmentée. On perçoit la réflexion et l’intelligence au travail dans la fabrique de ce film, où cohabitent visions futuristes et pensées contemporaines sur l’état de la science. Le cinéaste raconte avec beaucoup de force la manière dont il a reconstitué et réinventé un univers fictif en 2008. D’ailleurs, la puissance du film est liée au déploiement de décors qui laisse parfois à penser au cinéma de Cronenberg père et même de Stanley Kubrick.
Le travail sur les trucages, presque artisanaux comme à la période de gloire des films horrifiques des années 70 et 80, et les scènes coupées rajoutent à l’intérêt de ce DVD passionnant à l’image du film, formidablement envoutant.
Le DVD restitue le climat pesant et envoûtant du récit, grâce aux sonorités et aux musiques qui hantent les images.
Disponible en DVD/Blu-ray, chez éd. Lonesome Bear, et en VOD.
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