Ploy

Un film subtil et troublant qui se vit comme une séance d’hypnose. Beau comme un rêve, cruel comme un réveil.

L’argument : Trois histoires dans un hôtel. Un léger soupçon dégénère en jalousie, quand l’apparition d’une jeune femme provoque des conséquences dévastatrices pour un couple marié.

Notre avis : Autant prévenir immédiatement : dans l’actualité morne de la production cinématographique, Ploy s’impose comme une bombe de sensualité qui génère une pagaille émotionnelle du genre intense et risque de vous faire chavirer le cœur pour peu que vous partagiez sa grâce et plongiez dans son abîme. Après l’exercice de style fumeux des Vagues Invisibles où les codes du polar passaient à la moulinette esthétisante, Pen-ek Ratanaruang oublie la pose et signe un drame fantastique et cérébral, sensuel et brûlant dont les codes nous échappent. Le cinéaste thaïlandais que l’on a connu moins rigoureux (Monrak Transistor) met tout son savoir-faire technique au service d’une histoire déchirante d’amour mort et radiographie au plus juste les sentiments anxieux de ses personnages. Au centre de son récit, un couple en pleine déconfiture affective et sexuelle qui découvre en une nuit l’abandon vers la passion et le lendemain une sérénité retrouvée. Ailleurs, des histoires parallèles et des rencontres nocturnes créent de troublants contrepoints. A quelques chambres de là, dans le même hôtel, un barman retrouve secrètement une femme de chambre avec laquelle il ne va chercher qu’à prendre du plaisir en jouissant de caresses.
Nourri d’une tension érotique incroyable, ce ballet sensuel où les jeux de mains et de regards trahissent l’envie de baiser nous plonge dans un espace-temps enfumé. Le réalisateur expose le réel fantasmatique, explore sa formation et sa déformation à travers un montage extraordinairement complexe et imprévisible. Si, au bout du voyage, on ne sait plus très bien distinguer ce que l’on a vu de ce que l’on a rêvé, l’essentiel réside pourtant ailleurs. Pen-ek Ratanaruang doit considérer la créativité onirique comme une chance d’accéder à la connaissance et à la maîtrise d’un univers intérieur. Son Ploy est distordu et aérien comme un songe. En apparence, il ne raconte pas grand-chose. En profondeur, il en dit long - très long - sur la mécanique du désir et l’état des choses si cher à Wim Wenders. Chez lui, les blessures et les ivresses des personnages sonnent justes. Chez lui, le spectateur peut espérer prendre son temps pour trouver des lambeaux de son existence morcelée. Si on apprécie le genre, beau programme charnel en perspective.