Le 6 septembre 2020
Tour à tour exalté, dramatique, drôle, et exagérément tragique, Petit Pays n’a pas la puissance solaire du roman de Gaël Faye.
- Réalisateur : Éric Barbier
- Acteurs : Jean-Paul Rouve, Djibril Vancoppenolle, Isabelle Kabano
- Nationalité : Français, Belge
- Distributeur : Pathé Distribution
- Durée : 1h53mn
- Date télé : 26 juin 2023 21:10
- Chaîne : France 3
- Date de sortie : 28 août 2020
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Résumé : Dans les années 1990, un petit garçon vit au Burundi avec son père, un entrepreneur français, sa mère rwandaise et sa petite soeur. Il passe son temps à faire les quatre cents coups avec ses copains de classe jusqu’à ce que la guerre civile éclate, mettant fin à l’innocence de son enfance.
Critique : Représenter la guerre au cinéma est toujours un exercice complexe, d’autant quand on veut parler d’un conflit africain, complexe et récent, en l’occurrence celui du Rwanda, sans tomber dans la grossièreté et la caricature. Eric Barbier s’attaque au livre de Gaël Faye, à partir duquel il tente de décrire et d’expliquer la tragédie meurtrière qui a opposé les Tutsis et les Hutus. Mais le pari est difficile, d’autant que l’histoire est encore très proche et que les analystes n’ont pas encore tiré toutes les conclusions de l’horreur qui a déchiré ce petit pays d’Afrique.
- Copyright Eric Jehelmann
L’enjeu est de raconter le massacre des Tutsis par les Hutus (même si le cinéaste ne cache pas que les abus ont bien existé aussi dans l’autre camp), à travers les yeux d’un enfant, aujourd’hui chanteur et poète à succès, vivant en France. On a déjà vu quelques films qui traitent de cette part sombre de l’histoire africaine, souvent d’ailleurs sur un mode brut et quasi journalistique. Ici, le propos est aussi de parler de l’enfance, de la fraternité, de la famille, à l’aune notamment de la particularité suivante : les parents de Gabriel sont un couple mixte, lui Européen, elle Rwandaise. La réussite réelle du film demeure dans la façon dont le récit annonce la guerre. Cela commence par une élection, a priori des plus démocratiques, puis le chaos survient, raconté par la radio dans la maison familiale. On voit en fait de l’intérieur comment ces deux peuples qui vivaient, travaillaient ensemble, se sont déchirés après un coup d’Etat, a priori, du moins c’est ce que dit le film, fortement cautionné par le gouvernement français.
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Le problème demeure que les accusations portées par le réalisateur ne sont pas vraiment étayées. Le scénario ne creuse pas les hypothèses historiques et politiques, et se contente de survoler les évènements, au bénéfice de scènes qui décrivent une enfance plutôt attachante et légère en Afrique. On assiste par exemple à la restitution d’un vélo volé au petit héros, et revendu à maintes personnes, sans que le réalisateur n’en fasse quelque chose par la suite. De même, il n’explore pas assez profondément la camaraderie entre les enfants, qui est naturellement mise à mal par le conflit qui ronge le pays. Eric Barbier préfère jouer sur les émotions, au risque parfois de tomber dans la mièvrerie, en misant sur les effets cinématographiques comme sur les ralentis. On verse alors dans la romance, certes agréable à regarder, mais absolument déconnectée de l’horreur qui se joue.
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Petit Pays n’évite pas les maladresses dans la mise en scène. La plus évidente est centrée sur la mère de Gabrielle, qui sombre dans une folie hagarde après qu’elle ait assisté, impuissante, au massacre de sa famille. Evidemment, le basculement dans la psychose post-traumatique est un fait véritable de l’histoire de Gaël Faye, mais le jeu de la comédienne, Isabelle Kabano, pourtant très intéressant pendant toute la première partie du film, frôle parfois l’excès et la caricature. De même, la représentation du colon blanc qui s’est installé en Afrique pour faire fortune, respire l’exagération et le règlement de comptes. Nul ne peut ignorer les responsabilités des colons en Afrique à travers l’histoire, mais le sujet mérite un peu plus de nuances et de précision.
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Petit Pays est un long métrage plaisant à regarder. Il ne s’agit pas du chef-d’œuvre de l’année et le traitement très romancé de la guerre par Eric Barbier en est la meilleure preuve. Il y a chez le cinéaste une volonté très humaniste de rendre hommage à des peuples atteints pour toujours dans leur intégrité physique et psychologique. Mais le film méritait peut-être une mise en scène moins romantique, plus journalistique.
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