Paul Verhoeven l’iconoclaste affronte l’ère #MeToo

Succès jusqu’aux USA, où il avait ramassé 2.300.000$, Elle de Paul Verhoeven, avait permis au réalisateur néerlandais outrancier de faire un come-back inespéré, dans la langue de Molière. Celui qui avait surtout tourné aux Pays-Bas et aux USA était confronté depuis des années à des difficultés de financement, par rapport à ses projets trop radicaux.
Isabelle Huppert, nommée à l’Oscar et césarisée pour Elle, l’avait beaucoup aidé dans la réussite de ce projet dingue d’adapter un roman de Philippe Djian (37°2 le Matin) à l’écran.
Depuis longtemps Verhoeven avait évoquer Sainte Vierge, son nouveau long, avec Virginie Efira. Il connaît bien l’actrice pour lui avoir offert un second rôle qui comptait dans Elle. La star des comédies romantiques françaises, devenue égérie depuis Victoria, va devoir s’affranchir de ses pudeurs pour soutenir le premier rôle de Benedetta qui sera charnel, âpre et provocateur.
Le film sera moyenâgeux dans le cadre : une œuvre en costumes, avec des éléments historiques et de religion que le réalisateur de La Chair et le sang affectionne particulièrement depuis La Chair et le sang, son premier film en langue anglaise, en 1985. Efira entrera dans le corps d’une faiseuse de miracle du XVe siècle, contrainte à l’intérieur d’un couvent où la docilité des corps et les tempêtes de désirs sauront entrer en conflit avec la rigueur religieuse.

Quand on connaît le titre original du bouquin adapté, Immodest Acts : the Life of a Lesbian Nun in Renaissance Italy (Judith C. Brown), on devine la teneur provocatrice de ce futur probable jalon dans la carrière iconoclaste du cinéaste.
Avec un tournage prévu sur 4 mois, à partir du 20 novembre, l’on devient une probable sélection à Cannes 2019. Il sera d’ailleurs tourné en français, avec également Charlotte Rampling, Lambert Wilson et Daphné Patakia (la révélation de Djam, de Tony Gatlif).
Benedetta sera excommunié pour notre plus grand plaisir dans la grande tradition des anathèmes cinématographiques que furent Spetters et Le Quatrième Homme, en leurs temps.
Il s’agit par ailleurs du projet le plus sulfureux depuis l’affaire Weinstein, Paul Verhoeven ayant souvent été caricaturé par certaines féministes comme un auteur misogyne (Basic Instinct ou Showgirls), à l’instar d’auteurs à scandales comme Lars von Trier. Ce type de cinéma dont raffolait Cannes semble déserter les salles depuis quelques mois, les femmes ne se pressant plus pour tourner avec des cinéastes estampillés ogres d’une histoire qui ne doit plus être. Aussi, dans un contexte de programmation édulcorée, le nouveau retour de Verhoeven par la France, dans un cinéma tordu, avec pour cible sa chrétienté chérie, sera l’anachronisme parfait pour exhorter le cinéma à sortir de ses gonds et redevenir le socle d’un pluralisme de pensées qui manque au cinéma contemporain.
Le Ciel attendra, nous on veut le voir !