Le 13 avril 2024
Une fable moderne et sociale, bavarde à la façon de tous les films de Hamaguchi, qui raconte, avec humour et délicatesse, les chassés-croisés d’une génération de trentenaires japonais et qui parvient à échapper au risque de l’ennui.


- Réalisateur : Ryūsuke Hamaguchi
- Acteurs : Fusako Urabe, Aoba Kawai, Ryuta Okamato, Ryuta Okamato
- Genre : Drame social
- Nationalité : Japonais
- Distributeur : Art House Films
- Durée : 1h55 mn
- Titre original : Passhon
- Date de sortie : 15 mai 2019

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– Année de production : 2008
Résumé : Un jeune couple annonce son mariage lors d’un dîner entre amis. Les réactions de chacun vont révéler des failles sentimentales jusque-là inexprimées au sein du groupe.
Critique : Ils vont avoir trente ans. Ils se connaissent depuis longtemps et semblent quitter l’insouciance de leur jeunesse pour aborder la vie de famille, les responsabilités professionnelles, le mariage, puis la vie de parents. Le petit groupe de jeunes gens qui ouvrent le bal de ce premier long métrage du cinéaste japonais Ryūsuke Hamaguchi, donne presque envie et nous fait regretter nos propres années de jeunesse. Pourtant, derrière cette apparente démonstration de légèreté et de bonheur, se cache la gravité de chassés-croisés amoureux et terriblement sensuels.
- © Gedaï
Le réalisateur dont nous avions suivi l’interminable série Senses et le plus récent Asako donne à voir, pour sa première œuvre, plus de mesure qu’on ne lui connaîtra plus tard. Certes, les dialogues entre ces protagonistes heureux à première vue choisissent d’aller au bout de leur complexité psychologique. Il y a quelque chose de presque théâtral dans cette façon qu’ont ces héros ordinaires modernes de s’apostropher, de s’aimer et se détester tout à la fois, et de s’abandonner à la frustration ou à la révélation de leurs désirs enfouis. Le cinéaste choisit une nouvelle fois de filmer un Japon contemporain, à l’inverse des représentations souvent faussement orientalistes que nous avons de ce pays. La modernité est partout, et souligne une contradiction totale entre des valeurs quasi réactionnaires et le besoin de liberté amoureuse et sociale de ces jeunes gens.
- © Gedaï
Le film choisit un ton universel pour raconter le destin d’une génération qui vit un état de tension, entre le retour à des valeurs culturelles d’un autre monde, et sa volonté de s’extraire de la norme sociale. Le meilleur du film demeure sans aucun doute cette scène incroyable où l’une des héroïnes, professeure en collège, doit faire prendre conscience à ses élèves de l’horreur de la violence, à la suite du suicide d’un élève, qui a subi les brimades de ses pairs. La séquence offre une véritable leçon de philosophie et de psychologie sociale sur la nature ambivalente de l’homme, dans son rapport à la violence et à la victimisation. Rien que pour cette scène hallucinante, le film mérite d’être vu, même si une nouvelle fois dans ce cinéma japonais, certains spectateurs pourront être gagnés par l’ennui. Il faut enfin saluer la photographie et l’étalonnage qui restitue une représentation des plus réalistes d’un Japon contemporain, laissant penser que le réalisateur a tourné ce récit avec un matériel plus rudimentaire que ne le propose le cinéma en général.
- © Gedaï