Partie de campagne
Le 29 novembre 2009
Inspirée de Tchekov, une magnifique fable psychologique et sociale dans la Russie noble et décadente du XIXème siècle.
- Réalisateur : Nikita Mikhalkov
- Acteurs : Nikita Mikhalkov, Elena Solovei, Alexandre Kaliaguine, Oleg Tabakov
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Russe
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– Durée : 1h40mn
– Titre original : Neokontchennaia pesa dlia Mekhanitcheskogo pianino
Inspirée de Tchekov, une magnifique fable psychologique et sociale dans la Russie noble et décadente du XIXème siècle.
L’argument : A l’occasion d’une réception, un instituteur de village retrouve son amour de jeunesse.
Notre avis : Dans la campagne russe du XIXème siècle peuplée par les nobles qui apprécient le soleil d’été et hument le parfum du thé fumant du samovar, on vit d’harmonies célestes et d’accords parfaits : si Partition inachevée pour piano mécanique s’orchestre comme une pièce musicale, celle-ci démarre en majeur, avec éclats de rire et embrassades énergiques en guise d’ouverture. Visions d’un bonheur intouché et encore vierge, dans des décors où s’articulent en une palette fauve des couleurs primaires, vives et éclatantes sous l’objectif de Mikhalkov : ce tableau idéal va progressivement se teinter de nuances sombres, pour devenir, au sens moral comme au sens littéral, un théâtre d’ombres et de lumières. Toute la maestria du réalisateur consiste à donner aux œuvres de Tchekhov dont il s’inspire une consistance proprement cinématographique, en nouant impression de spontanéité et art de la composition. Comme dans certains films de Tati - et la longue scène des retrouvailles, dans l’outrance des sentiments qu’elle expose, n’est pas sans évoquer de manière lointaine la géniale invitation à prendre le thé, dans Mon oncle -, l’écran est travaillé en profondeur, faisant cohabiter plusieurs niveaux de tension et d’action différents, qui rendent l’expérience du spectateur multiple et elle aussi inachevée. En ce sens, le film est bien une « partition », puisqu’il incarne les idées de chant et de contrepoint à l’œuvre dans les polyphonies instrumentales ou vocales, où l’on bénéficie à la fois du dessin de la mélodie et de la singularité de chaque pupitre.
Mais surtout, Mikhalkov est bien le continuateur attentif de Tchekhov en ce qu’il restitue avec précision et sensibilité toute la finesse psychologique qui se tisse dans ces drames d’une vie quotidienne simple, en marge de l’histoire officielle, et qui dévoile sans recours à la caricature ou au pamphlet politique l’état de déliquescence morale des « Grands » de ce monde. Le spectateur demeure constamment dans un trouble diffus devant des personnages auxquels il ne peut s’identifier totalement, mais qui symétriquement n’inspirent pas non plus de sentiments tranchés : de l’épouse naïve au « darwiniste social » odieux, on peut éprouver de la pitié, du mépris ou de l’aversion - car c’est le plus souvent la bassesse qui se profile au détour des actions impétueuses et des éclats de voix -, tout en ayant conscience que ce jugement reste en suspens, et qu’il est susceptible d’être renversé au prochain mouvement de caméra. Encore un inachèvement revendiqué, soigneusement mis en œuvre, et qui différencie le film d’une fresque historique prenant comme toile de fond éculée l’inébranlable datcha qui sert de cadre à la moitié de la littérature russe de cette époque. Tout en se nourrissant d’une substance profondément morale, le cinéaste n’est jamais moralisateur, même si les indices sont là - telle la figure du garçon blondinet, personnage presque burlesque jouant avec le gramophone et les vieilleries de la maison - pour faire contraster l’innocence avec la noirceur du tableau présent. Inachevée, cette partition ? Peut-être, au sens d’une trajectoire dont on ne distinguerait pas vraiment la chute ; mais inaboutie, certainement pas.
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