Medellin - New York : aller simple
Le 14 janvier 2004
Le deuxième roman du Colombien Jorge Franco publié en français illustre avec ardeur et poésie la débâcle d’un immigré clandestin égaré dans un pays qu’il ne connaît pas.


- Auteur : Jorge Franco
- Editeur : Métailié
- Genre : Roman & fiction

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Marlon, jeune Colombien sans avenir, est entraîné par son amie, Reina, à pénétrer clandestinement aux Etats-Unis pour rejoindre New York. Mais, dès le soir de leur arrivée, Marlon s’égare dans les rues de la ville géante dont il ne connaît rien, pas même la langue qu’y parlent ses habitants. Commence alors pour lui une vertigineuse descente dans les bas-fonds de la solitude et de la misère urbaines. Seules la sollicitude de Patricia, la femme du propriétaire d’un restaurant colombien, et la farouche certitude qui l’obsède de retrouver un jour Reina le sauvent du naufrage. Il trouvera surtout, dans sa quête, la force de suivre son propre chemin, enfin débarrassé de ses fantasmes et de ses faiblesses.
La violence de Paraíso travel est à l’image du quotidien des colombiens, réduits à vivre dans un pays où règne une violence extrême, ou bien à fuir, illégalement. Pour se retrouver pauvres parmi les pauvres, traqués par la police, témoins vivant du rêve brisé de millions d’immigrés pour lesquels il n’y a pas de retour possible et pas franchement d’avenir dans un pays à la tradition assimilationniste devenue toute théorique.
Pourtant, même si la situation de Marlon s’avère souvent sordide, le roman de Jorge Franco est véritablement éclatant. D’abord parce qu’il raconte la passion amoureuse, celle qui aveugle, qui fait perdre la raison, qui rend crédule et fougueux, qui pousse à tout enfreindre, et traverser les frontières. Ensuite parce que ce roman de l’exil est doté d’une puissance poétique qui se révèle pleinement dans les évocations de la ville, dans la nostalgie du pays, dans l’acharnement de Marlon à retrouver Reina. Une poésie savamment mêlée à la chair, de façon parfois très crue, presque érotique. Eclatant, Paraíso travel l’est enfin parce qu’on y trouve, éparses, ces infimes doses d’espoir, faites de mains tendues, plus ou moins sincères, mais qui rendent un peu de couleur et de saveur au rêve de réussite de l’immigré, qu’il vienne de Colombie, ou d’ailleurs.
Jorge Franco, Paraíso travel (traduit de l’espagnol par René Solis), Métailié, coll. "Suite hispano-américaine", 2004, 236 pages, 10 €