Littérature francophone
Le 3 avril 2020
Sur fond de bouge parisien sordide, de prostitution, de masochisme, de scatologie, de crasse, de stupre, de foutre et de violence, Paradis de tristesse dessine des silhouettes d’anges blessés assoiffés d’absolu, de sens et de beauté.
- Auteur : Olivier Py
- Editeur : Actes Sud
- Genre : Roman
- Nationalité : Française
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Résumé : Cherchant l’Absolu dans la pénombre rougeoyante du Trap — ce sanctuaire des rencontres sans limites — le narrateur s’est voué à la beauté de Pascual, l’ancien skin à la cruauté si parfaite. Il est entré à jamais dans la dépendance de cet homme qui impose ses lois, en roi des cérémonies de la soumission amoureuse. Au Trap, on croise aussi Alcandre, le vieux poète, autrefois dandy au panache insolent, qui voudrait atteindre, par-delà l’humiliation du corps, la vérité de sa vie, le sang des mots et la clarté des signes. Au Trap encore, il y a Grégoire, titubant entre ce théâtre d’abjection et ses fiévreuses retraites chez les moines, sur la colline sacrée de Vézelay. Et il y a Ellert, le jeune père à la patience et douceur de victime… Méditation sur la condition humaine, sur l’art et la transcendance, Paradis de tristesse nous bouleverse parce que ses personnages vivent à la proue d’eux-mêmes, avides ou désespérés, creusant ce manque qui leur désigne un horizon, chemin de douleur, rêve de joie, d’inspiration, de grâce. Car il n’y a rien en l’homme, selon la Parole, qui ne mérite miséricorde. Rien ici-bas qui ne contienne le Ciel.
Critique : Par son titre déjà, Paradis de tristesse provoque la rencontre des opposés. Tout au long du récit, l’outrance du trivial côtoie la noblesse du style. Plus la torture s’accroît, plus le registre devient cru, précis et soutenu. Sans doute parce qu’à l’instar de son narrateur, Olivier Py "préférera toujours la splendeur d’un crachat aux bijoux de la morale".
On pourrait dès lors reprocher à ce roman un certain maniérisme verbal, mais le soin de la phrase sert de poésie pour sauver de justesse les personnages de l’abject. D’abord le jeune narrateur, exalté, épris de Pascual, ex-skinhead à la brutalité douloureuse, Alcandre, vieux poète en quête de dignité, Grégoire, vacillant entre ses pulsions scatophages et la pureté de ses adorations monacales.
Paradis de tristesse verse dans le baroque, et un baroque volontiers sacré. Entre des passages carrément dogmatiques et des sortes de paraboles sous les spots rouges des lieux du roman, on pense à des tableaux de vanités et leur beauté tragique. Le narrateur ressemble étrangement à une Marie-Madeleine évangélique, prostituée piétinée et cependant humblement aimante. Au coeur de ces amours masculines (que Py compare çà et là à des étapes de passion christique) il n’est jamais question que d’humanité vive et profonde.
Quand les personnages s’abîment, quand les écorchures s’exposent à vif, le roman s’oriente plus que jamais dans la recherche métaphysique et a fortiori mystique. Le Dieu de Py n’est que miséricorde, pardon et amour. Ici, tout homme porte en lui sa part de sacré. Et voilà que "cette splendeur dégradante laisse interdit".
Le Trap, bordel et temple des extrêmes, est le théâtre d’une fange au-dessus de laquelle les personnages essaient de s’envoler et d’annoblir leurs souffrances. Le lieu se mue peu à peu en une sorte de purgatoire dans lequel l’avilissement physique permet l’affranchissement de l’esprit. Ici, les personnages échappent à l’enfer du néant. Ils existent. Dans leur misère, dans leur douleur, dans leur espoir ou dans leur joie. Au terme de cette lecture bouleversante, le lecteur éprouvé aura sans doute reçu cette grâce dont il est tant question : parvenir à élever son âme.
Olivier Py, Paradis de tristesse, Actes Sud, 2002, 254 pages, 17,50 €
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