Captain America ne travaille pas pour le Mossad…
Le 3 août 2019
Inspirée de faits réels, cette Opération Brothers, de facture bien conventionnelle, ne s’attarde que sur le volet action d’une opération à la fois simple, complexe et surtout plus tragique.
- Réalisateur : Gideon Raff
- Acteurs : Greg Kinnear, Ben Kingsley, Chris Evans, Haley Bennett, Alessandro Nivola, Michiel Huisman, Michael K. Williams
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Netflix
- Durée : 130 minutes
- VOD : NETFLIX
- Chaîne : NETFLIX
- Genre : Espionnage
- Titre original : The Red Sea Diving Resort
- Date de sortie : 31 juillet 2019
- Plus d'informations : Opération Brothers
Résumé : Des agents infiltrés du Mossad ouvrent un faux hôtel au Soudan afin de mettre des milliers de réfugiés éthiopiens en sécurité.
Notre avis : Après le coup d’État de 1974, des milliers de Beta Israël, nom donné à des tribus juives éthiopiennes, sont contraintes de fuir. Ces tribus rejoignent à pied le Soudan où elles sont parquées dans des camps aux conditions de vie épouvantables. Israël va mener plusieurs opérations d’exfiltrations, dont une baptisée Brothers, une « manip » sauce Mossad pur sucre.
Au début des années 80, les Israéliens espionnent le littoral soudanais de la mer Rouge, à la recherche de points d’où ils pourront exfiltrer des juifs éthiopiens par leur marine. Ils trouvent des villas construites dans les années 70 et abandonnées faute d’eau, électricité ou voies d’accès. Via une société écran en Suisse, le Mossad crée la Sudanese Tourist Corporation, et loue au gouvernement soudanais ces villas, pour les transformer en site touristique. Le boss de cette entreprise et une partie du personnel sont des agents infiltrés qui vont restaurer les maisons, amener eau et électricité, puis ouvrir et gérer un vrai village de vacances dédié à la plongée, le Arous Holiday Village, avec brochures distribuées dans des agences de voyages. Et donc avoir de vrais clients. Des clients qui ne se douteront jamais que leurs moniteurs de plongée le jour amènent, certaines nuits, par camions, des centaines de réfugiés sur la plage où les attendent des zodiacs, pour les conduire au large vers un navire israélien, direction la Terre sainte. Toute cette histoire est racontée dans un bouquin paru en 1997, Mossad Exodus : The Daring Undercover Rescue of the Lost Jewish Tribe, de Gad Shimron, ancien agent qui a joué un rôle clé dans cette opération.
- Copyright Netflix
Gideon Raff, créateur de Prisoners of War, plus connu pour son remake américain, la série Homeland, a bien rencontré Gad Shimron (*) mais a finalement préféré, pour écrire son scénario, s’appuyer sur d’autres témoignages. Et c’est bien dommage. Est-ce parce que Gad Shimron lui a confessé que l’opération qui a duré trois ans, n’avait rien d’un James Bond et que, malgré quelques arrestations et échauffourées, il n’y a eu aucun mort ou blessé grave ? Ou qu’entre deux sauvetages, lui et ses agents passaient de longues périodes à plonger et bronzer avec les touristes, gérer l’hôtel (bénéficiaire en plus !) et faire attention à leur couverture ? Il raconte même comment il s’est fait démasquer par un touriste canadien juif, qui avait remarqué sa façon très particulière, et donc « israélienne », de couper au petit-déjeuner sa salade et ses légumes aussi minces. Le Canadien est finalement resté muet comme une carpe.
Si cette Opération Brothers est réalisée « proprement », son scénario écrit à la hache, en se limitant à « l’action », fait de nombreuses victimes, à commencer par Chris Evans, en chef de mission, qui tente tant bien que mal de faire oublier Captain America, en se laissant pousser barbe et cheveux. Hélas, n’ayant rien à se mettre sous la dent, son jeu d’acteur en agent fonceur et tourmenté par un divorce, le temps de trois plans, est aussi fin que ses biceps qui craquent les manches de son tee-shirt. Ses comparses sont à peine développés – d’où viennent-ils, quelle est la nature du passif avec l’un d’eux ? Mystère. Quant au méchant, bah, il est méchant et fume de gros cigares. On glissera sur les interactions avec la CIA, tellement expédiées qu’on n’y croit à peine (pourtant vraies), et la séquence finale qui en devient presque grotesque. Ceci est d’autant plus regrettable que les missions du Mossad font généralement peu dans l’esbroufe et c’est précisément tout ce qui en donne leur puissance narrative, comme l’a très bien démontré Éric Rochant dans un chef-d’œuvre du genre, Les Patriotes (1994), dont le slogan était « la manipulation est notre métier ».
- Copyright Netflix
On ne va pas refaire le film, mais il est probable qu’en montrant comment ces agents ont été aussi des peintres, plombiers et électriciens pour enfumer les autorités, en s’attardant un peu plus sur les camps au Soudan - le personnage de Kebede Bimro, chef de tribu agent de liaison avec le Mossad est trop en retrait, limite caricatural - ou en intégrant un suspense avec ce foutu client canadien, cette Opération Brothers aurait pu adopter une posture plus profonde et engagée, et moins celle d’un énième spectacle « hollywoodien », pour un sujet que ne s’y prête vraiment pas. Car le tragique destin de ces tribus est, in fine, la vraie victime du scénario, comme le rappelle justement, pendant le générique de fin, l’usuel défilé de photos d’archives, dont quelques unes de Gad Shimron qui, à l’époque, n’avait ni barbe ou cheveux longs, et encore moins de gros biceps…
(*) article et entretien source avec Gad Shimron, on clique ici (en anglais). Nous ne sommes pas dans les secrets de la gênèse laborieuse de ce film, mais on soupçonne que l’acquisition des droits du bouquin de Gad Shimron a dû probablement coincer à un moment…
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brigitte benett 4 août 2019
Opération Brothers - la critique du film
Ce que je reproche aux films la plupart du temps c’est d’être sans intérêt, vide de sens, sans ’histoire’. Enfin un film qui a un intérêt une histoire. Et qu’elle histoire ! Super intéressant !
La critique est passé à côté de l’essentiel.
Sébastian Haff 4 août 2019
Opération Brothers - la critique du film
Assez d’accord avec cette critique ! l’histoire est évidemment intéressante en soi mais certainement pas ce film qui ressemble trop à mon goût à la majorité des productions Netflix ! sans envegure, écriture simpliste et réalisation archi banale ! y’avait carrément mieux à faire avec un tel sujet, c évident !
Renato IUSSA 20 décembre 2021
Opération Brothers - la critique du film
C’est un peu les Sept mercenaires en Ethiopie ou James Bond contre docteur Ahmed !!!
Un film bourré de clichés pour une cause plus que noble... Dommage...