Le 26 juin 2019


Quand Fabcaro s’installe au comptoir, ça donne forcément un cocktail absurde.
Résumé : Le bio, la frime, la politique, les nouveautés, la cuisine, la famille, chaque page s’inscrit dans une seule et même démarche : rire d’une manière décalée, entre cynisme non avoué et absurdité mal interprétée, sur la TV, la société, le monde en général ou en particulier. On retrouve le dessin et le ton de Fabcaro, qui offre sans limite sa première tournée...
Révélé par Zaï zaï zaï zaï, Fabcaro revient donc avec Open Bar, ou plutôt se réinstalle en format BD, car les Inrocks avaient déjà prépublié ses planches. Attendu donc sous ce format album, ces gags d’une page, sans but critique assumé, ne sont pas là pour casser des codes, mais plutôt les rendre caduques. Pas besoin de personnages ou de références, ces pages se suffisent à elles-mêmes, et c’est comme dans une pièce de Ionesco ou de Beckett que l’absurde jaillit, à un endroit seulement, parfois prévisible ou inattendu, pour ne pas réellement critiquer la société mais plutôt pousser ses codes dans ses retranchements, en exploiter les failles de la signification, en montrer les bêtises, qu’elles soient humaines ou conventionnelles. En cela, cette démarche n’est pas celle d’un caricaturiste de presse, la satire passant plutôt au second plan, parce que c’est bien la réflexion qui finit par s’installer, entre sociologie et linguistique, pour comprendre ou non des éléments de dessins incongrus. Une technique qui pourrait en cela se rapprocher de la série TV Family Guy, qui maîtrise bien ces digressions jouant sur l’absurde.
Fabcaro / Delcourt
Au niveau du dessin, on retrouve la patte de l’auteur, à savoir des silhouettes noires ou grises, découpées sur un fond uni et vide (ici le blanc ou bleu ont remplacé le beige), pour une ambiance désormais identifiable, qui apporte une certaine classe à l’album, au style. Au fond très simple ce dessin ne prétend ni au réalisme franco-belge, ni à l’abstrait du roman graphique contemporain, mais pourrait se voir comme un reflet, une ombre de conversations du quotidien glanées ça et là, déformées par un minuscule changement absurde qui viendrait tout brouiller. Ainsi, les personnages n’ont pas de traits explicites, et pourtant on devine à chaque fois soit un bobo quinqua ou une trentenaire femme d’affaire, derrière ce vague, ce flou qui captive toujours.
Fabcaro / Delcourt
Bien amusant, un peu grinçant, Open Bar cache derrière son humour absurde une vérité parfois à la limite du tragique sur le monde qu’il ne décrit pas mais qu’il déroute, soit au final un cynisme qu’il ne faut pas prendre comme banal, mais bel et bien élégant.
56 pages - 13,5€