Le 18 avril 2023
Ce beau film méconnu explore l’amour entre femmes dans le cadre feutré d’une pension distinguée, mêlant avec délicatesse naïveté et perversité.
- Réalisateur : Jacqueline Audry
- Acteurs : Simone Simon, Edwige Feuillère, Danièle Delorme, Yvonne de Bray, Suzanne Dehelly, Marie-Claire Olivia, Hélène Rémy
- Genre : Comédie dramatique, LGBTQIA+, Noir et blanc
- Nationalité : Français
- Distributeur : Solaris Distribution, Filmsonor Marceau
- Durée : 1h35mn
- Reprise: 5 décembre 2018
- Box-office : 1 043 732 entrées France / 407 606 Paris Périphérie
- Date de sortie : 27 avril 1951
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Résumé : 1890. Mademoiselle Julie, professeur dans un pensionnat de jeunes filles, est une personnalité fascinante. A tel point qu’elle en vient à jeter le trouble chez l’une de ses élèves, Olivia, dont le cœur ne tarde pas à être en émoi. L’attitude pour le moins ambiguë du professeur pousse une jeune femme, Cara, très attachée à Mademoiselle Julie, à commettre l’irréparable.
Critique : Adapté du roman éponyme non signé (en fait écrit par Dorothy Bussy) et déguisé en autobiographie, Olivia a été réalisé par une femme, la seule de son époque, sur des femmes circulant dans le quasi huis clos d’une pension de jeunes filles. Et ce film aussi sidérant qu’oublié multiplie les audaces avec une distinction admirable, personnifiée par la prestation d’Edwige Feuillère, en traitant du lesbianisme sans jugement moral et sans, contrairement à ce qu’annonce le début, se réfugier dans la pureté éthérée. Car derrière l’élégance de Mademoiselle Julie, derrière la naïveté des collégiennes, derrière un langage policé, ce ne sont que désirs plus ou moins refoulés, manipulations et jalousie. Les liens complexes qui unissent les protagonistes sont destructeurs : entre Cara, éternelle malade qui rêve d’attirer à elle les élèves que fascine Julie, l’Allemande hiératique qui lui est dévouée, et la toute jeune Olivia qui vit son premier amour, il y a des luttes et des tentatives parfois franches (voir la scène du baiser dévorant pendant le bal costumé) de séduction. Évidemment, en 1951, les images ne seront jamais crues, mais que de sous-entendus, de gestes avortés, et de tentations ! Julie prend les mains, embrasse, entoure, désigne les places à ses favorites : Olivia côtoie la pâmoison quand elle a le droit de s’asseoir près de son idole. Maîtresse du jeu, opaque bien souvent, Julie dirige d’un gant de velours un ballet qui n’est léger qu’en apparence et ne peut se clore que sur un drame.
- FILMS DE LA PLEIADE/SOLARIS DISTRIBUTION
Le film commence par l’arrivée d’Olivia dans une calèche et se termine avec son départ par le même moyen ; hormis une courte séquence à Paris, toute l’action se cantonne donc dans cette pension et ses jardins, pension qui fonctionne comme un microcosme avec son prolétariat (la savoureuse cuisinière Victoire), sa bourgeoisie haute et basse et ses aristocrates. Un monde de femmes, avec ses lois et ses privilèges, hermétique aux hommes : les seuls à y entrer, les juges, sont vus de dos comme une incarnation abstraite du pouvoir extérieur. On y éduque, bien sûr, non pas aux mathématiques qui, ainsi que le répète la professeur, ne servent à rien (truculente femme vorace qui, devant les juges, avoue qu’elle ne comprend rien aux chiffres), mais à la poésie, de préférence amoureuse (Lamartine) ou tragique (Racine), et donc au désir. Les lectures publiques de Julie sont à cet égard de grands moments d’interprétation (Edwige Feuillère lisant Andromaque !) aussi bien que des initiations subtiles. De subtilité, d’ailleurs, ce film n’en manque pas : les dialogues écrits par Pierre Laroche, l’époux de la réalisatrice, manient l’équivoque avec virtuosité, quand ils ne la dépassent pas ; ainsi la séparation financière entre Julie et Cara est-elle assimilée à un divorce. De même le verbe « aimer » est-il employé avec des sens très divers (de « je vous aime » à « je vous aime bien ») en un délicat bal de nuances.
- FILMS DE LA PLEIADE/SOLARIS DISTRIBUTION
Il y a certes des bémols : le jeu de Marie-Claire Olivia est très daté, ses comparses sont parfois à la limite de la caricature, et la réalisation est de temps en temps empesée. Il y a pourtant de belles trouvailles : ainsi Olivia, quand elle se retrouve seule dans sa chambre la première fois, se contemple-t-elle dans un miroir ovale. Ce sera la dernière preuve d’égocentrisme : la réalisatrice insiste ensuite sur son regard qui ne fixe plus que Julie, même devant le tableau si suggestif de Watteau. Le plus souvent néanmoins, Olivia s’apparente à une illustration sans inventivité. C’est dommage, mais ne doit pas masquer l’audace de ce film précieux. Et puis, l’a-t-on assez dit, Edwige Feuillère est prodigieuse. Il faut donc redécouvrir d’urgence cette perle oubliée, bien plus noire et secrète qu’il n’y paraît.
- FILMS DE LA PLEIADE/SOLARIS DISTRIBUTION
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