O Senseï - La chronique BD

Rien n’est simple dans ce récit mais c’est ce qui en fait toute sa force. La narration n’est pas linéaire mais éclatée dans le temps. La seule référence commune est le point de vue de Morihei Ueshiba aux différents âges de sa vie. On navigue ainsi d’événements en événements. Ces événements qui ont marqué la vie de celui qui fondera l’aïkido. Enfin, une partie car la vie du maître, comme l’explique Édouard Cour, est bien plus riche encore que ne le montre cette BD.

Ce n’est pas tant l’art du combat et la technique qui nous sont montrés dans cette histoire que la recherche de la paix et de l’intégration au monde. Au long de sa vie, Ueshiba a avancé sur son chemin et a saisi bien des choses que les mots sont parfois incapables de retranscrire directement. Mais néanmoins, grâce au dessin, on s’en approche un peu.
Édouard Cour a relevé un défi impressionnant et il s’en sort bien. Nul besoin de s’y connaître en arts martiaux ou, en culture japonaise pour saisir ce qui se joue dans cette BD.
Ici se dévoile la quête d’un homme ayant compris que le combat doit mener à la paix et ayant appris à créer le vide pour y entraîner son ennemi et tenter de le purifier de ses ambitions meurtrières. Et c’est là un bien piètre résumé.

Jonglant sur le temps pour nous relater cette vie, Edouard Cour joue aussi sur l’espace. Les cases s’étalent, se déchirent, se rompent, se diluent pour servir le propos et nous faire approcher avec magie l’essence de cette quête.
Un noir et blanc mêlé de gris donne cette ambiance et s’impose comme une évidence. Le livre se complète de courts éléments historiques, une chronologie biographique de Ueshiba, un rapide descriptif des personnages intervenants dans cette BD et un mot de Édouard Cour.
Notons aussi que la plupart des dialogues ou Morihei Ueshiba fait part de sa pensée sont directement issus des écrits de ce dernier. Le travail d’Édouard Cour a été de savoir que choisir pour éclairer son dessin, ou pour donner trait à certains des mots du maître Ueshiba. Maître qui, en Japonais, se traduit par Senseï !

Une BD d’arts martiaux non violente, en tout cas, dépourvu de haine, un récit déstructuré au service d’une pensée difficile à capter dont Édouard Cour parvient à nous faire toucher l’essence, un dessin soigné cherchant à retranscrire l’énergie intérieure d’un grand maître, en bref, une œuvre intemporelle qu’il faut lire, à petit pas, en prenant son temps.