Le 13 avril 2021
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Le terrible incendie qui a ravagé Notre-Dame de Paris, un des symboles du patrimoine français, rappelle à quel point, au-delà de son inscription dans la mémoire collective, le monument a aussi inspiré la création artistique.
News : La cathédrale Notre-Dame de Paris, dont la construction a débuté en 1163 et s’est achevée quasiment deux siècles plus tard, en 1345, a d’abord inspiré des peintres. Ainsi, l’un des plus grands artistes de la Première Renaissance, Jean Fouquet, la représente sous tous les angles dès le quatorzième siècle, qu’il s’agisse du chevet dans deux enluminures des Heures d’Etienne Chevalier, notamment La déploration du Christ mort, où la cathédrale apparaît à l’arrière-plan, tandis que Marie est agenouillée au pied de la Croix ou qu’il s’agisse de sa vue frontale, dans La descente du Saint-Esprit sur les fidèles. L’impressionnante façade du monument semble dominer la masse des croyants comme une présence protectrice, toisant aussi la cité médiévale.
Jean Fouquet (vers 1420-vers 1480)-Heures d’Etienne Chevalier : Descente du Saint-Esprit sur les fidèles(Folio 85b)-1452-1460 . New-York , The Metropolitan Museum of Art, collection Robert Lehman
Notre-Dame apparaît de nouveau au siècle suivant, dans le livre liturgique commandé par le duc de Berry vers 1410-1411, à travers La rencontre des mages au sein de la ville sacrée de Jérusalem, qui est peinte sous les traits de Paris.
"Les très riches heures du duc de Berry" des frères Limbourg, manuscrit conservé au château de Chantilly (vers 1411-1416)
Bien des années plus tard, l’intérieur de Notre-Dame est représenté dans Le sacre de Napoléon de Jacques-Louis David (1805-1807). Le tableau évoque, à travers des dimensions monumentales (six mètres sur dix), le couronnement de l’Empereur, au sein d’une cathédrale majestueuse, qui sert d’écrin à la cérémonie.
"Sacre de l’empereur Napoléon 1er et couronnement de l’impératrice Joséphine dans la cathédrale Notre Dame de Paris, le 2 décembre 1804", Jacques-Louis David, huile sur toile peinte de 1805 à 1807, Musée du Louvre
Bien entendu, d’autres créateurs ont, par la suite, évoqué le monument, qu’il s’agisse de l’artiste post-impressionniste Achille Laugé, du peintre de l’École de Paris, Maurice Asselin, d’Henri Matisse, d’Alain Mongrenier, qui en avait offert une image sobre, loin des représentations classiques, tant d’autres encore...
Et puis, il y a évidemment le célèbre roman de Victor Hugo, qui a véritablement annexé le monument, au point, bien plus tard, d’inspirer le cinéma ou la comédie musicale. Ce livre, dont on parle beaucoup depuis ce soir, dont un grand nombre connaît les personnages (Quasimodo, Frollo, Esmeralda), sans même avoir jamais lu l’intégralité du récit, fournit quelques-unes des plus belles descriptions de la cathédrale, comme celle-ci au chapitre 1 du livre III :
Il est, à coup sûr, peu de plus belles pages architecturales que cette façade où, successivement et à la fois, les trois portails creusés en ogive, le cordon brodé et dentelé des vingt-huit niches royales, l’immense rosace centrale flanquée de ses deux fenêtres latérales comme le prêtre du diacre et du sous-diacre, la haute et frêle galerie d’arcades à trèfle qui porte une lourde plate-forme sur ses fines colonnettes, enfin les deux noires et massives tours avec leurs auvents d’ardoise, parties harmonieuses d’un tout magnifique, superposées en cinq étages gigantesques, se développent à l’œil, en foule et sans trouble, avec leurs innombrables détails de statuaire, de sculpture, et de ciselure, ralliés puissamment à la tranquille grandeur de l’ensemble ; vaste symphonie en pierre, pour ainsi dire ; œuvre colossale d’un homme et d’un peuple, tout ensemble une et complexe comme les Iliades et les romanceros dont elle est sœur ; produit prodigieux de la cotisation de toutes les forces d’une époque, où sur chaque pierre on voit saillir en cent façons la fantaisie de l’ouvrier disciplinée par le génie de l’artiste ; sorte de création humaine, en un mot, puissante et féconde comme la création divine dont elle semble avoir dérobé le double caractère : variété, éternité.
Et ce que nous disons ici de la façade, il faut le dire de l’église entière ; et ce que nous disons de l’église cathédrale de Paris, il faut le dire de toutes les églises de la chrétienté au Moyen Âge. Tout se tient dans cet art venu de lui-même, logique et bien proportionné. Mesurer l’orteil du pied, c’est mesurer le géant.
Le roman de l’auteur, on l’a dit, fournira le socle de multiples adaptations : au cinéma, tout d’abord, le nom du monument a inspiré dix créations, de La Esmeralda, film réalisé en 1905, par Alice Guy et Victorin Jasset, jusqu’au dernier avatar visuel du texte de Hugo,
Quasimodo d’El Paris, en 1999. On note que dans un certain nombre de versions, la cathédrale devient plutôt un prétexte référentiel qu’un véritable lieu incarné dans sa matérialité tangible. Il suffit qu’elle apparaisse dans le champ pour s’imposer comme le symbole architectural d’une France immémorielle, plus encore que la tour Eiffel, dont la construction est bien plus récente et dont la structure métallique n’a pas la connotation patrimoniale de la pierre rassurante. Évidemment, la célèbre comédie musicale de Plamondon et Cocciante, accordera moins d’importance à l’architecture gothique qu’au drame hugolien, mais elle ne s’empêchera pas une référence au nom si évocateur du bâtiment sacré. D’autres œuvres musicales tournent elles-mêmes autour du monument, sans en sonder la fascinante armature. C’est à la fois le cas chez Edith Piaf ou chez Damien Saez, ce dernier incarnant volontiers la cathédrale en allégorie d’une tristesse insondable. A l’inverse, des artistes comme Suzy Solidor en parlent d’une manière plus réaliste, même si l’évocation sommaire de ce chef-d’œuvre architectural ne va pas au-delà de tours et de vitraux plutôt indifférenciés.
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