Nightfall - la critique + le test DVD

Une superbe édition DVD pour ce film de Jacques Tourneur, que l’on peut certes qualifier de mineur, mais qui permet une nouvelle fois de prendre conscience du modernisme de la mise en scène du légendaire réalisateur.

L’argument : James Vanning est un homme simple et tranquille. Mais l’argent d’un casse a disparu et deux malfrats extrêmement dangereux pensent qu’il est en sa possession. Vanning devient un homme en fuite, traqué par ces malfrats, filé par l’enquêteur de la compagnie d’assurance. Marie Gardner, un mannequin qu’il rencontre par hasard, s’embarque bientôt avec lui dans cette aventure qui les emmènera dans les montagnes enneigés du Wyoming.

Notre avis : Que les choses soient claires : l’intérêt premier de ce Nightfall ne réside pas dans son scénario, d’un classicisme presque rebutant pour un film noir des années 50. Si la construction en flashback permet de complexifier légèrement l’intrigue, celle-ci n’arrive jamais à réellement surprendre, entre rebondissements attendus et péripéties galvaudées. En ce qui concerne le casting, si Aldo Ray et la superbe Anne "Mrs. Robinson" Bancroft illuminent l’écran en apportant un charisme certain au couple qu’ils incarnent, il n’en est pas de même pour les personnages secondaires, notamment les deux truands, d’une rare fadeur et aux comportements parfois aberrants.
Non, ce qui fait tout le sel de ce Nightfall, c’est avant tout la mise en scène révolutionnaire de Jacques Tourneur, sa gestion incroyable de l’espace et sa capacité à créer une ambiance fascinante avec peu de moyens. Au registre des scènes marquantes, on peut ainsi citer ce formidable plan séquence où deux acteurs discutent un long moment dans la rue avant qu’un bus ne pénètre dans le champ, permettant à l’un des deux personnages de s’y embarquer, laissant l’autre seul avec ses démons. Ou encore ce défilé de mode terriblement stressant, où un simple jeu de regard suffit à entretenir un suspens presque insupportable. Enfin, on ne pourra qu’être admiratif face à la scène finale dans la neige immaculée du Wyoming, qui entretient de fortes similitudes esthétiques avec le Fargo de Joel et Ethan Coen. Nightfall, ou le manifeste d’un savoir-faire presque artisanal dont Tourneur était l’un des rares représentants dans l’industrie hollywoodienne de l’époque.

LE DVD

Les suppléments :
Un sans faute pour Wild Side qui nous offre une édition propre à combler l’appétit gargantuesque des cinéphiles les plus difficiles. Outre un livret de 80 pages écrit par le journaliste Philippe Garnier, qui revient avec moultes détails sur la genèse chaotique du film, le point culminant de cette édition est l’entretien avec l’historien du cinéma Michael Henri Wilson. Avec une passion communicative, ce dernier nous apporte des éclairages sur la personnalité de Tourneur qui, en tant qu’artisan, s’épanouissait dans le système hollywoodien tout en fuyant ses mondanités. Il revient aussi sur son goût pour les décors en extérieur et son affection pour les acteurs évoluant hors du cercle des stars hollywoodiennes, avec lesquels il partageait une certaine modestie de caractère. Enfin, il met en évidence la mélancolie qui émane de tous les films du cinéastes, entre des aventures subies et un désenchantement certain, miroirs de la personnalité de Jacques Tourneur. Passionnant.

L’image :
Le master magnifiquement restauré permet d’apprécier l’élégance dont le réalisateur avait l’habitude de doter chaque image de ses films. On appréciera notamment les magnifiques scènes dans la neige, dont la beauté plastique presque irréelle nous permet de comprendre pourquoi Jacques Tourneur privilégiait toujours les tournages en extérieur.

Le son :
Une piste mono anglaise irréprochable, où se marient avec une grande clarté les dialogues et une superbe bande-son. Frissons garanties lorsque retentit la chanson titre dans le générique de début.