Le 24 août 2020
Une road movie social et tragique de deux adolescentes depuis la Pennsylvanie jusque New York, porté par des comédiennes formidables et un sens certain de la mise en scène.
- Réalisateur : Eliza Hittman
- Acteurs : Ryan Eggold, Théodore Pellerin, Sidney Flanigan, Talia Ryder, Sharon Van Etten
- Genre : Drame
- Nationalité : Américain, Britannique
- Distributeur : Universal Pictures France
- Durée : 1h42mn
- Date de sortie : 19 août 2020
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Résumé : Deux adolescentes, Autumn et sa cousine Skylar, résident au sein d’une zone rurale de Pennsylvanie. Autumn doit faire face à une grossesse non désirée. Ne bénéficiant d’aucun soutien de la part de sa famille et de la communauté locale, les deux jeunes femmes se lancent dans un périple semé d’embûches jusqu’à New York.
Critique : Le cinéma américain nous habitue souvent à des images très propres, surfaites, où les comédiens sont tous plus étincelants les uns que les autres, à l’inverse d’un cinéma britannique, souvent sombre, au réalisme glacial. C’est la grande surprise de ce long-métrage qui, d’emblée, immerge le spectateur dans l’Amérique moyenne, avec un parti pris réaliste indéniable. Never Rarely Sometimes Always constitue la déclinaison d’un interrogatoire destiné à des femmes qui s’apprêtent à se faire avorter, et semble issu de la caméra d’un Ken Loach. La photographie est terne, les mouvements de caméra sont sobres, comme si l’essentiel de la réalisation d’Eliza Hittmann était de centrer son attention sur ses deux comédiennes principales, qui incarnent ce récit tragique et sensible d’une gamine sur le point de se faire avorter dans un centre spécialisé de New York.
Sujet hautement périlleux, où le puritanisme américain ou son contraire auraient pu faire infléchir l’histoire vers une caricature grotesque. La réalisatrice dépeint le portrait triste d’une adolescente, Autumn, peu loquace. On apprend très vite que la jeune fille cache, derrière son mutisme et son désarroi apparents, une grossesse non désirée. Elle trouve secours dans un centre de santé qui lui annonce qu’elle est enceinte de près de dix mois. On lui conseille, voire on lui insuffle l’idée que l’avortement serait la pire des choses et qu’elle devrait consentir à l’adoption pour son bébé. Mais Autumn a dix-sept ans, et à cet âge, il est difficile de se projeter avec un enfant, ou au contraire, de l’abandonner dans une nouvelle famille. Le film pose les bonnes questions du dilemme chez une adolescente qui se retrouve enceinte. Le choix cornélien est d’autant plus important que les lois sont différentes d’un État à l’autre, en fonction des colorations politiques et religieuses qui le caractérisent. Eliza Hittmann se garde de prendre le parti de la jeune fille ou du dispensaire où elle se rend. On ne saura rien de l’identité du père et ce n’est pas le sujet. L’enjeu du long-métrage est de saisir sur le vif une adolescente prise dans la contradiction intérieure et la crainte des effets que sa grossesse pourrait engendrer dans sa famille.
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Alors s’engage un long périple depuis le bus de nuit de Pennsylvanie, jusqu’à la faune nocturne de New York. Autumn et Skylar entreprennent ce chemin ensemble. Elles forment un duo absolument magnifique où l’on perçoit l’intensité de leur affection. Pourtant, le scénario est avare de paroles, la mise en scène choisit délibérément le non-dit et la sobriété pour dépeindre ce joli couple de cinéma. L’interprétation des deux comédiennes est si sincère, si authentique, que les mots, les émotions, les gestes n’ont pas besoin de se draper dans la surenchère et l’excès. Eliza Hittmann raconte avec pudeur et délicatesse l’immense solidarité qui unit les deux jeunes filles, au milieu d’une Amérique hostile et réactionnaire. Heureusement, quelques adultes merveilleux, mais trop rares, émaillent le parcours d’Autumn, permettant au projet d’aboutir.
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Never Rarely Sometimes Always préfigure une sorte de cinéma militant. On découvre avec stupéfaction une nation américaine qui traite si mal ses adolescentes et plus largement les femmes. Le système de protection sociale paraît totalement aberrant avec en contrechamp, des mouvements religieux qui bloquent l’accès aux portes des cliniques pratiquant l’avortement, des centres médicaux qui pensent avant tout à solder leurs consultations plutôt qu’à protéger une adolescente, et un dispositif de protection de l’enfance absent. Le film ne laisse aucun doute sur les orientations féministes de la réalisatrice. A quelques mois de la présidentielle, il résonne comme la nécessité pour tout un pays riche de se poser les questions de la place qu’il veut faire aux femmes, aux enfants et à ses classes moyennes.
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