Parle avec elle
Le 19 mars 2010
Prix de la Critique Internationale du douzième festival du film asiatique, My daughter évoque l’amour filial sans grand discours, par la grâce de ses actrices et une caméra fluide.
- Réalisateur : Charlotte Lim
- Acteurs : Lai Fooi Mun , Chua Thien See, Lam Wen Haur
- Genre : Drame
- Nationalité : Malaisien
- Festival : Festival du Film Asiatique de Deauville 2010
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– Durée : 1h16mn
– Année de production : 2009
Prix de la Critique Internationale du douzième festival du film asiatique, My daughter évoque l’amour filial sans grand discours, par la grâce de ses actrices et une caméra fluide.
L’argument : Faye, dix-huit ans, vit avec sa mère célibataire qui l’a élevée seule. Témoin de l’angoisse éprouvée par sa mère qui vit des relations sans lendemain avec les hommes, Faye éprouve à son égard des sentiments contradictoires d’amour et de haine. Lorsqu’elle apprend que sa mère est enceinte, elle ne peut plus contrôler ses émotions...
Notre avis : Savoir qui est la fille est une interrogation de tous les plans dans My daughter. La mère multiplie les aventures sans lendemain et ne cherche pas à la cacher à sa fille qui, constamment, la console de ses désillusions répétées. Les deux parentes se ressemblent physiquement - la mère faisant beaucoup plus jeune que son âge. La fille paraît être sa petite sœur mais leurs rapports sont loin d’être fraternels. Ces femmes ne communiquent pas entre elles, ne savent comment faire et ne peuvent établir de liens de tendresse car l’aînée écrase trop la cadette.
My daughter se déroule dans le silence et le non-dit. Les actrices ne prononcent qu’un nombre très limité de paroles. La fille se replie sur elle-même, souffre du manque de repère, de ne pas trouver sa place véritable auprès de sa mère. Elle est comme la tortue, coincée sur le dos de sa carapace, présentée en insert par la cinéaste : sa découverte et son avancée dans le monde sont limitées contre son gré. Lorsqu’elle apprend la grossesse de sa mère, un trop-plein d’émotions la gagne et elle devient nerveuse : va-t-elle devenir la mère de cet enfant alors qu’elle n’est elle-même qu’une adolescente ? La tension s’accentue avec sa génitrice et pourtant les cris restent coincés dans sa gorge, muets, presque sourds : parce que les mots sont énoncés avec parcimonie, ceux-ci prennent d’autant plus de sens, sont révélateurs d’un ressenti profond. My daughter devient progressivement le film de l’attente du Verbe, à savoir quand est-ce que ces femmes vont se libérer du poids de leurs divergences. Mais en ont-elles vraiment besoin ? Qu’est-ce que cela va réellement leur apporter ? Les questions restent en suspens.
Charlotte Lim suit ces deux femmes dans leurs parcours, leurs quotidiens si similaires à l’une et à l’autre. Leur vie n’est qu’errance dans les rues de leur ville, à la recherche d’une existence qui en vaille la peine ou d’un but. Le bruit du passage des voitures, des conversations des passants et des commerçants est exacerbé. Au milieu de cette foule grouillante, elles sont seules, emprisonnées dans un système où elles n’ont pas de prise. Si elles ne peuvent se parler, c’est parce qu’elles ne peuvent pas s’entendre. De leur dispute, n’est véritablement perceptible que « vieille conne » et seul le son d’une gifle est audible. Les mots sont tellement difficiles à faire exister qu’il n’est pas possible de montrer la source de leur élocution. Leur impact n’est pas évident ; il apparaît clairement que la mère et la fille ont choisi un autre mode de relation, dont l’affection n’est pas absente mais se manifeste par leur loyauté l’une envers l’autre.
My daughter, dans sa retenue, touche à ce qui constitue profondément la filiation : même absent ou silencieux, ce lien réunit deux êtres. Charlotte Lim, précédemment assistante de Tsaï-Ming Liang et Ang Lee, a ainsi réalisé une œuvre pudique et pleine de grâce sur cette relation complexe.
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