Mutafukaz, l’intégrale – La chronique BD

Angelino, dit Lino, et Vinz mènent une vie tranquille, certes difficile, sans argent, avec les galères du quotidien mais tranquille jusqu’à l’accident qui fauche Lino en pleine fleur de l’âge. L’histoire pourrait s’arrêter là mais elle commence à peine...
De galères de losers au cœur tendre au conflit planétaire, il n’y a qu’un pas que Run franchit allègrement. Mais il le franchit tellement bien qu’on a à peine le temps de se rendre compte de l’ampleur que prend l’intrigue. Et pourtant, sous nos yeux, discrètement, tout se mettait en place dès les premières pages, avec cette discussion de vestiaire entre Luchadore.
Au cours de ces plus de cinq cent pages, c’est non seulement une histoire passionnante qui va mettre en scène une galerie de personnages auxquels vous allez – plus ou moins – vous attacher, mais c’est aussi une folie graphique mélangeant plusieurs styles que Run, comme dessinateur, nous offre.
Chaque case est riche de personnages, de gueules, de graffitis, de panneaux, et mérite que vous vous y attardiez plus que le temps de lire une bulle et de prendre conscience de l’action visuelle.

De plus, le récit se truffe de références scientifiques, bibliques, musicales et autres. Notez que l’auteur, Run, a baptisée sa ville Dark Meat City. Abréviation DMC. Run, DMC... On va chercher loin. Peut-être... Mais le clin d’œil à d’autres série du Label 619 d’Ankama comme The Grocery, elle, est frappante. Même si elle ne dure que le temps d’une séquence.
Et puis, Vinz lui-même n’est-il pas le fils caché du Ghost Rider de Marvel ?
Et voilà tout le charme de cette BD. Run ne se refuse rien, tout en tenant son petit monde bien en main et en le dotant d’une cohérence forte.

Graphiquement, ça dépote. On passe de la couleur au noir et blanc, de l’action débridée renversant le sens de lecture à des vues aériennes nous plongeant dans le chaos urbain. Là aussi, en totale cohérence avec la BD, on voyage avec le plus grand plaisir au travers les dessins talentueux de Run. Et notons que le temps de quelques pages, pour les rêves de Angelino, Run laisse s’exprimer Chick et Semper Fi, nous offrant quelques pages contrastant avec le style baroque de Run par une forme de dessin épuré, tranché, curieux qui marque tout à fait la différence entre le monde réel et le monde onirique où se perdent les personnages. Vous pourriez nous dire qu’ils se perdent aussi dans le monde réel, et vous auriez bien raison !
En outre, cette intégrale vous propose une version plus riche que la seule compilation des cinq tomes. Mais on regrette de ne pas avoir les quelques pages de la genèse de l’histoire qui ouvrent le premier tome.

Non, ne vous privez pas de Mutafukaz, vous auriez bien tort. Et en plus, lire cette intégrale vous préparera au choc cinématographique puisque l’animation adaptée de la BD sortira sur les écrans le 23 mai. Bon, prévoyez également un sac solide, car elle fait son poids mine de rien !