Mr. Robot saison 3 – la critique (sans spoiler)

Notre avis : Après une saison 2 d’un vide quasi-abyssal mais néanmoins saluée par à peu près tout le monde, nous n’étions pas forcément pressés de jeter un œil à ces 10 nouveaux épisodes (et ce n’est pas désormais la non-censure du mot fuck qui allait susciter notre intérêt, même si on ne cache pas notre joie de ne plus entendre de ne pas les entendre). Pourtant, avec cette troisième saison, Mr. Robot a définitivement surpassé cette prétention artistique qui faisait stagner la série dans un néant scénaristique sous couvert de s’amuser avec la caméra et les attentes et savoirs du spectateur. Sam Esmail a repoussé l’échéance de la phase deux de Dark Army pendant bien trop longtemps, et alors qu’on ne l’attendait plus vraiment, voilà qu’elle articule ces nouveaux épisodes sous la forme d’un ultimatum géant, d’une tentative désespérée d’agir, loin des palabres interminables de Elliot sur sa santé mental. A cette occasion, la mise en scène si touche-à-tout et unique dans son domaine se calque sur cette tension et va jusqu’à s’humaniser face au drame de la situation, touchant des personnages pour bien des raisons, de Tyrell à Angela, et bien évidemment Elliot.

Copyright : USA Network

Les magouilles alambiquées si froides trouvent une dimension plus humaine à l’occasion de leur mise à exécution, avec de rares (mais néanmoins présents) gros plans cadrés selon les codes classiques à la captation des émotions faciales. Mais aussi peu fréquents soient-ils, ces cadrages marquent vraiment le retour dans la série (après sa saison 1) vers un travail empathique avec ses personnages. Par le contraste entre la phase 2 et l’après phase 2, l’urgence et le calme, la série crée un décalage, un trop plein d’adrénaline suivi d’un vide marqué par le deuil et la fin d’un combat. De là tout particulièrement s’extirpe la détresse et le vide des personnages, avec moins de rigueur dans l’écriture de la psychologie, mais bien plus d’impact à l’écran. On excuse ainsi quelques raccourcis dans l’évolution d’Angela, un peu grossière, ou dans la dualité entre Elliot et Mr. Robot pas toujours subtile mais assez effrayante, d’autant plus que la mise en scène brille toujours autant pour figurer les troubles de la personnalité du protagoniste.

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Moins éparpillée, tirant moins sur la corde, et servant vraiment le récit et ses personnages, la réalisation de Sam Esmail propose à nouveau de grands moments de télévision globalement en accord avec l’état psychologique d’Elliot, comme cette séquence d’introduction de l’épisode 3 délirante et utopique. Mais surtout, comme à son habitude lorsqu’elle s’immisce dans un genre ou une ambiance en particulier, Mr. Robot se lâche complètement quand le moment est venu de traiter la conclusion de la phase 2, pensée comme un climax sans temps mort pour les personnages, avec comme moyen de monstration de cette caractéristique un faux plan-séquence unique pour l’épisode 5, chaotique et dégueulant d’inventivité. Les capacités d’adaptation de Sam Esmail épatent et prouvent une maîtrise sidérante de son sujet, toujours poussé par une volonté de s’adapter à la teneur de son propos en conservant la singularité qui confère à la série toute sa reconnaissance.

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Très orientée sur le temps de la désillusion, cette saison de Mr. Robot déconstruit le propos révolutionnaire initié par le début de la série en fondant l’action contestataire des personnages dans un plan général piloté dans l’ombre par Dark Army. A la fois réflexion pessimiste sur notre monde mais également teintée d’espoir, ces épisodes amorcent un retour en arrière devant l’impossibilité d’instituer une nouvelle société par un soulèvement de masse. Il n’est désormais plus question de changer le monde, mais de le ramener à l’état dans lequel il se trouvait avant le plan d’action de Fsociety, devant la prise de conscience que ces actions étaient chapeautées par des néo-libéraux plus néo-libéraux que les néo-libéraux qu’Elliot voulait combattre. Cette manipulation a de quoi faire grincer les dents, et symbolise toute la maturité d’une série qui ne se voile pas la face quant au monde dans lequel elle s’ancre. Pour autant, il n’est pas question d’abandonner cette volonté d’améliorer la société, juste de procéder différemment pour le faire, avec une nouvelle mentalité et de nouvelles armes. Elliot et Mr. Robot continuent le combat, ensemble.