Aronofsky’s baby
Le 11 septembre 2017
Malgré un casting prestigieux et une mise en scène maîtrisée, Mother ! ne touche pas au chef-d’œuvre qu’il prétend être. Darren Aronofsky est de retour en grande pompe mais en petite forme.
- Réalisateur : Darren Aronofsky
- Acteurs : Javier Bardem , Michelle Pfeiffer, Ed Harris, Jennifer Lawrence
- Genre : Drame, Thriller
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Paramount Pictures France
- Durée : 1h55mn
- Âge : Interdit aux moins de 12 ans
- Date de sortie : 13 septembre 2017
- Festival : Festival de Venise 2017
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Résumé : Un couple voit sa relation remise en question par l’arrivée d’invités imprévus, perturbant leur tranquillité.
Critique : Il était attendu au tournant, Darren Aronofsky. Le revoilà en cette rentrée avec un nouveau film écrit et réalisé par lui : Mother !, présenté à la dernière Mostra de Venise et au Festival de Deauville. Trois ans et demi après Noé, blockbuster bancal, le réalisateur de Black Swan a-t-il réussi son grand retour dans le drame psychologique ? Plus ou moins.
Huis clos de deux heures, inégales mais néanmoins intenses, Mother ! est construit sur le même mode dramaturgique que la tragédie racinienne. La bienséance manque à l’appel – ce qui n’est pas grave ici – mais les unités d’action, de lieu et les cinq actes sont au rendez-vous.
Scène d’exposition : elle (Jennifer Lawrence) et lui (Javier Bardem) vivent heureux et épanouis dans une jolie maison encore en chantier au milieu de la campagne. Lui est un écrivain en manque d’inspiration, elle enduit les murs nus de ce qui semble être une future chambre d’enfant, dans la lumière chaleureuse et rassurante du chef opérateur Matthew Libatique… et le silence inquiétant de son mari et de sa maison. Serions-nous là dans un remake du Rosemary’s Baby de Polanski ? Pas vraiment, malgré une référence évidente.
- Copyright Paramount Pictures
Élément perturbateur : un homme (Ed Harris), surpris par la tombée du jour, vient trouver refuge dans la maison du couple. Il dit être docteur et prétend adorer le travail d’écrivain de son hôte. Flatté, celui-ci l’invite à séjourner chez lui avec son épouse (Michelle Pfeiffer), délaissant un peu plus sa femme qui se retrouve à jouer les Cendrillon. On retrouve ici la cruauté assez irritante d’Aronofsky envers les femmes. De The Fountain à Black Swan en passant par Requiem for a Dream, rares sont les films dans lesquels la gente féminine trouve grâce et reconnaissance à ses yeux.
Et pourtant, le réalisateur semble fasciné par son héroïne – ou peut-être est-il simplement envoûté par les jolis traits de Jennifer Lawrence. Sa caméra ne la quitte pas d’une semelle dès lors qu’elle apparaît pour la première fois dans son cadre, à grand renfort de gros plans sur le visage de l’actrice, de travellings frontaux sur ses cheveux, sa nuque, son dos et ses épaules, et de plans subjectifs. Puisque le mari est incapable de s’intéresser à sa femme, c’est le cinéaste et, par voie de conséquence, le spectateur, qui s’en chargent. Ainsi la première heure du film témoigne-t-elle de véritables partis pris esthétiques et filmiques. La tension et l’inquiétude grandissantes de l’héroïne sont palpables, les mouvements de caméras maîtrisés et le montage dynamique.
- Copyright Paramount Pictures
Finalement, c’est dans le troisième acte de la tragédie – celui où rien n’est joué et où tous les espoirs sont encore permis – que le film trouve sa fatale limite : après la dispute de ses deux fils, le couple formé par Harris et Pfeiffer quitte finalement la maison. Trêve de courte durée pour la pauvre Jennifer Lawrence, qui voit bientôt tous les fans de son artiste de mari prendre leurs quartiers dans son foyer. Si elle tente un moment de chasser ces envahisseurs (« You have to go ! », « This is my house ! »), la descente aux enfers est imminente. Pour elle comme le spectateur. Aronofsky se laisse tomber, avec une certaine complaisance, dans une surenchère d’hystérie qui ne ressemble à rien d’autre qu’à un mauvais pastiche du cinéma d’Andrzej Zulawski. Hystérie qui perdure dans le quatrième acte, scellant le destin tragique de l’héroïne, jusqu’au dénouement qu’on ne révèlera pas ici.
- Copyright Paramount Pictures
Toujours pessimiste, obsédé par la Bible et surtout par lui-même, Darren Aronofsky livre un film violent et controversé, dans lequel il clame, abasourdi par son propre talent, qu’il est un créateur magnifique et adulé à l’instar de Dieu. Ce n’est cependant pas à lui d’en décider, mais à celles et ceux qui aiment, défendent, aimeront et défendront ses films. Darren, vous êtes un grand cinéaste. Certes. Mais un peu d’humilité n’a jamais tué personne. Personne, à part peut-être vos personnages.
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