Le 24 mars 2019

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Hantée par l’horreur des camps d’extermination, l’œuvre de Miklos Bokor se confronte à l’indicible. Le peintre est mort le 18 mars dernier, à l’âge de 93 ans.
Disparition : Des silhouettes inquiétantes étirées et estompées par des couleurs terreuses, qui parfois s’enroulent dans un cercle sans fin, des visages dont le regard a fui, des titres qui parlent d’eux-mêmes : Rupture, Meurtre, Incertaine incertitude. Toute sa vie, le peintre français d’origine hongroise Miklos Bokor aura tenté de saisir par la création artistique une expérience insoutenable, qui aura coûté la vie à son père et à sa mère. Comment trouver une forme pour dire l’indicible ? Cette redoutable question a évidemment hanté la création artistique après les horreurs de la Seconde Guerre mondiale. Elle concerna d’autant plus les hommes et les femmes qui avaient vécu dans leur propre chair l’atroce extermination voulue par les nazis. Le refus même de toute rationalisation du geste artistique s’avéra un leitmotiv pour Bokor : « Je pense avant et après, mais quand je peins, je ne pense pas. Je ne prends aucune décision, c’est après que je constate : ce fut donc ça. Et si je faisais autrement, si je laissais ma volonté décider, il en résulterait un échec. Il faut abdiquer de soi-même, abdiquer de tout vouloir ; se rendre ouvert, disponible, n’être qu’une caisse de résonance. ».
Les personnages dessinés par l’artiste sont pourtant animés d’une volonté de vivre, qui s’incarne dans un mouvement constant. A leur façon, ils prolongent L’homme qui marche : ombres parmi les ombres, mais farouchement résolus à reconquérir leur destin.
Copyright Miklos Bokor, "Meurtre" , 2000 , huile sur toile , 80 x 80cm