Le 23 janvier 2018

- Acteur : Yves Afonso
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Le comédien avait excellé dans des films de Jacques Rozier, Jean-François Stévenin ou Jean-Luc Godard.
Quand on ne sait pas quoi dire d’un second rôle talentueux parce qu’on le confond volontiers avec un autre, on l’appelle "une gueule". Sauf qu’à force d’être alignées dans des hommages compassés, les "gueules" rejoignent une série de semblables portraits.
Les quelques articles consacrés à la disparition du comédien Yves Afonso, ce lundi, ne dérogent pas à une hypocrite tradition, qui distingue le corps métonymique plutôt que le talent artistique. Pourtant, cet acteur autodidacte, employé par les plus grands, de Godard à Corneau, en passant par Tavernier ou Ruiz, ne manquait pas de consistance.
Chacun aura pu apprécier, parfois sur un court fragment, l’épaisseur de son jeu, flirtant avec une forme de douce folie : qu’on se souvienne du plombier-voleur de L’aile ou la cuisse, où le comédien mimait avec détachement un entêtement mutique, avant de congédier ses interrogateurs d’un rire aussi sonore qu’inattendu. On subodorait que cet artiste en avait sous le capot. Restait à lui offrir une autoroute : ce fut Maine Océan, la magnifique tangente cinématographique de Jacques Rozier, en 1986. Le génie d’Afonso éclate sous les traits de l’irascible Marcel Petitgas, dont l’accent vendéen ferait rougir de rage un couteau suisse affûté. Le verbe haut et la gouaillerie en bandoulière, l’acteur laissait respirer son jeu aux quatre vents d’une caméra buissonnière, qui embarquait aussi Bernard Menez et Luis Rego, autres acteurs sous-estimés. Et sous-employés.
Au-delà de la "gueule", également mentionnée par un tweet de Matthieu Kassovitz, il faudra bien un jour considérer que ces seconds rôles sont aussi des bras, des jambes, des pieds, des mains, bref des corps qui, entièrement dévolus à la passion du cinéma, le font vivre d’une manière intense.