Le 12 octobre 2020
Un premier long métrage de fiction qui aborde avec subtilité les barrières de classe et la difficulté à assumer ses sentiments dans un environnement étriqué.
- Réalisateur : Rohena Gera
- Acteurs : Tilotama Shome, Vivek Gomber, Geetanjali Kulkarni, Ahmareen Anjum, Rahul Vohra
- Genre : Drame, Romance
- Nationalité : Indien, Français
- Distributeur : Diaphana Distribution
- Durée : 1h39mn
- Date télé : 21 janvier 2021 21:45
- Chaîne : OCS City
- Titre original : Sir
- Date de sortie : 26 décembre 2018
- Festival : Festival de Cannes 2018, Semaine de la Critique 2018
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Résumé : Ratna est domestique chez Ashwin, le fils d’une riche famille de Mumbai. En apparence la vie du jeune homme semble parfaite, pourtant il est perdu. Ratna sent qu’il a renoncé à ses rêves. Elle, elle n’a rien, mais ses espoirs et sa détermination la guident obstinément. Deux mondes que tout oppose vont cohabiter, se découvrir, s’effleurer...
Critique : C’est le premier long métrage de fiction d’une cinéaste qui fut étudiante à la Stanford University en Californie et au Sarah Lawrence College de New York, avant d’être scénariste, assistante réalisatrice, productrice et auteure de documentaire. Monsieur a été conçu à partir de souvenirs d’enfance de Rohena Gera : petite fille, elle ne comprenait pas pourquoi sa nounou ne devait pas s’installer à la table familiale et était tenue de dormir par terre dans une chambre exigüe. Au-delà de cette préoccupation, la réalisatrice traite de la condition des domestiques et de la classe populaire en Inde. En dépit de l’abolition officielle du système des castes, le pays vit encore sous le joug de préjugés ancestraux qui perturbent la mixité sociale et engendrent un système discriminatoire envers les moins aisés. Ratna fait partie de cette classe défavorisée, et doit en plus supporter sa condition de femme opprimée. En tant que veuve, elle est en effet sommée de mener une vie discrète et d’entreprendre une sociabilité minimale, sa belle-famille ne l’ayant laissée partir en ville que parce qu’elle devenait dans ce cas une bouche en moins à nourrir.
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La jeune femme économise ses maigres gages pour payer les études de sa petite sœur, et souhaite elle-même se former afin de travailler dans la grande couture ; mais là, elle se heurte à une hostilité de classe qui lui dénie le droit de s’émanciper par un emploi noble, et les portes se ferment à elle. Le mérite de la réalisatrice est de ne pas trop mettre en exergue les déterminismes sociaux, et d’établir un parallèle entre les déboires de Ratna et ceux d’Ashwin, le jeune homme de bonne famille, qui semble le plus à plaindre des deux. Guère épanoui entre une fiancée infidèle, une mère possessive et un environnement professionnel qui l’oppresse, Ashwin manifeste moins d’audace que sa servante : « Visuellement, nous voyons que le monde de Ratna est ouvert. Nous la voyons à la campagne, et même à l’extérieur dans la ville, s’engager avec tout ce qui est autour d’elle. Ashwin, au contraire, est piégé dans sa voiture climatisée, son bureau et sa maison… C’est un cocon privilégié qui l’étouffe. Il essaie de faire ce qui est juste par rapport à sa famille, mais peut-il être fidèle à lui-même tout en restant "bon" aux yeux des autres ? », a déclaré la réalisatrice.
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Par petites touches délicates, elle filme le rapprochement tant inéluctable que difficile de deux êtres que tout séparait initialement, alternant dialogues explicatifs et non-dits suggestifs, avec une pudeur et une retenue qui ne sont pas sans évoquer In the Mood for Love de Wong Kar-wai, qu’elle cite explicitement dans le dossier de presse. L’art de Rohena Gera s’appuie sur un travail plastique subtil : des assiettes, meubles ou plateaux placés entre les deux personnages accentuent l’idée qu’ils sont entravés par une distance ; mais s’ils respirent le même air ou se retrouvent côte à côte, des barrières invisibles paraissent les séparer malgré tout, ce qui ne rend que plus troubles les audaces de Ratna ou Ashwin, lorsqu’elle offre une chemise à son patron ou quand il ose lui effleurer la main. On pourra objecter qu’il manque au film une certaine aspérité, le métrage se situant dans un projet créatif médian, quelque part entre la subversion romanesque The Housemaid de Im Sang-soo et l’académisme de Miss Daisy et son chauffeur de Bruce Beresford, pour citer d’autres œuvres ayant abordé le thème de l’attirance amicale, amoureuse ou sexuelle au-delà des barrières sociales. Cela ne constitue qu’une réserve mineure eu égard aux réelles qualités de ce récit touchant.
– Semaine de la Critique 2018 : Prix Fondation Gan à la Diffusion
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