Le 28 juillet 2018
Sur fond de conflit syrien, le cheminement personnel d’une jeune femme en quête de libre arbitre. Un premier long métrage attachant qui tente de sortir des pistes balisées du cinéma social et psychologique.
- Réalisateur : Gaya Jiji
- Acteurs : Manal Issa, Ula Tabari, Souraya Baghdadi, Mariah Tannoury, Saad Lostan
- Genre : Drame
- Nationalité : Français, Allemand, Turc
- Distributeur : Dulac Distribution
- Durée : 1h35mn
- Date télé : 10 septembre 2020 23:20
- Chaîne : ARTE
- Date de sortie : 18 juillet 2018
- Festival : Festival de Cannes 2018
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Résumé : Damas, mars 2011. La révolution commence à gronder. Nahla est une jeune femme de 25 ans, tiraillée entre son désir de liberté et l’espoir de quitter le pays grâce au mariage arrangé avec Samir, un Syrien expatrié aux États-Unis. Mais Samir lui préfère sa jeune sœur Myriam, plus docile. Nahla se rapproche alors de sa nouvelle voisine, Madame Jiji, qui vient d’arriver dans l’immeuble pour ouvrir une maison close.
Critique : Premier long métrage d’une réalisatrice syrienne exilée à Paris, Mon tissu préféré dont l’action se déroule à Damas a été tourné en Turquie. L’œuvre a une certaine connotation autobiographique puisque comme son héroïne, Gaya Jiji a toujours éprouvé un sentiment d’injustice face à la condition féminine dans son pays natal. Le film cerne avec acuité la destinée des femmes syriennes à travers le choix de ses personnages : c’est d’abord Nahla, insatisfaite de son job de vendeuse, peu épanouie dans son cadre familial, et dont le mariage « arrangé » avec un expatrié de retour provisoire au pays est loin d’être pour elle une providence. Sa sœur Myriam, soumise et conformiste, incarne l’aliénation de la femme étouffée par les traditions mais incapable de se révolter. Quant à la mère, elle cherche à préserver l’ordre social et à sortir de la précarité par des compromissions dont elle ne conteste pas le bien-fondé. Maman ou putain ? Sans aller jusqu’à ce schéma binaire, la réalisatrice brosse avec Mme Jiji le portrait d’une femme de mauvaise vie en contradiction totale avec les mœurs de la famille de Nahla, si ce n’est une situation qui reste liée à la dépendance vis-à-vis des hommes.
- Copyright Sophie Dulac Distribution
Le mérite de Gaya Jiji est d’avoir dépassé ce cadre sociologique et de ne pas s’être cantonnée dans la lourdeur démonstrative du film féministe à message, que même Agnès Varda n’avait pas su éviter dans L’Une chante, l’autre pas. Plus ambigu et nuancé que son synopsis, le film capte avec subtilité le désir féminin, quand Nahla tente de nouer un lien amical avec sa sulfureuse voisine. On songe à Catherine Deneuve osant s’aventurer dans le lieu de débauches tenu par Geneviève Page dans Belle de Jour, et l’œuvre prend une tournure délibérément onirique quand Nahla imagine la présence d’un amant que l’on croit réel au début de la narration. Gaya Jiji s’autorise par ailleurs d’audacieux partis pris de mise en scène, quand les plans fixes sont privilégiés dans l’appartement familial, face à des personnages oppressés, alors que la caméra se révèle plus libre à l’étage du dessus, suggérant le sentiment de rêve et de mouvement des désirs.
- Copyright Sophie Dulac Distribution
« Mon tissu préféré, c’est le désir pour Nahla, l’héroïne, que son corps soit touché par une étoffe particulière, un désir qui est un choix. Son choix. Mon histoire, c’est le rapport de cette fille avec son corps. Tout part de là », a déclaré la cinéaste. Si le métrage est séduisant, et casse les conventions inhérentes au drame social et psychologique, on regrettera certaines maladresses, à l’image de ces documents d’actualité sur le conflit syrien, ou des passages montrant des manifestants poursuivis par des milices, qui n’apportent rien au film, et peinent à faire le parallèle entre le drame collectif et les problèmes individuels. Sur ce plan, Une femme syrienne de Philippe Van Leeuw était plus percutant. Mais Mon tissu préféré reste recommandable, y compris pour ses actrices : Manal Issa, comédienne franco-libanaise, qui a tourné avec Danièle Arbid et Bertrand Bonello, compose avec finesse un personnage de rebelle. Dans le rôle de Mme Jiji, Ula Tabari, actrice, réalisatrice et coach de dialogues palestinienne, a l’autorité d’une Ronit Elkabetz.
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