Comme un gant de velours pris dans la fonte
Le 26 avril 2023
Maïwenn filme la rencontre explosive entre un ogre et une princesse, un hédoniste et une fille rangée. Un cocktail haut en couleur malheureusement lesté par un scénario et une réalisation trop convenus.
- Réalisateur : Maïwenn
- Acteurs : Vincent Cassel, Louis Garrel, Isild Le Besco, Ludovic Berthillot, Emmanuelle Bercot, Norman Thavaud, Yann Goven, Paul Hamy, Patrick Raynal
- Genre : Drame
- Nationalité : Français
- Distributeur : Universal - StudioCanal
- Durée : 2h10mn
- Date télé : 4 juillet 2024 23:20
- Chaîne : Chérie 25
- Date de sortie : 21 octobre 2015
- Festival : Festival de Cannes 2015
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Résumé : Tony est admise dans un centre de rééducation après une grave chute de ski. Dépendante du personnel médical et des antidouleurs, elle prend le temps de se remémorer l’histoire tumultueuse qu’elle a vécue avec Georgio. Pourquoi se sont-ils aimés ? Qui est réellement l’homme qu’elle a adoré ? Comment a-t-elle pu se soumettre à cette passion étouffante et destructrice ? Pour Tony c’est une difficile reconstruction qui commence désormais, un travail corporel qui lui permettra peut-être de définitivement se libérer…
Critique : Que peut-on encore ajouter à la thématique ressassée du couple au cinéma, horizon indépassable de la relation humaine pour de nombreux cinéastes ? Pour Maïwenn, cette boîte de Pandore insondable se doit d’être à nouveau ouverte. Tony, avocate au pénal, rencontre Georgio, propriétaire de restaurant aventureux et désireux de vivre la vie sans entrave. Charmée par son humour et sa joie de vivre, elle tombe rapidement amoureuse de lui. Mais leur rapport à l’existence est diamétralement opposé. Alors que Tony voit la vie idéale comme un long fleuve tranquille, Georgio, ogre insatiable, la lit comme une trajectoire faite de hauts et de bas. D’où ce désir inextinguible de tout détruire, ne serait-ce que pour quelques secondes de fulgurances. Si Tony goûte ces moments d’exultation sans déplaisir, les circonvolutions vont peu à peu la ronger, davantage encore après son mariage et pendant sa grossesse. La vie des conjoints n’est bientôt plus qu’un tour de montagnes russes, et Tony doit accepter les tromperies, les soirées entre amis ponctuées par l’alcool et la drogue de son époux. Une violence sourde s’installe dans le couple. Une maladie inextricable que ni le cocktail de Xanax-Lexomil ni les pseudo remises en question ne parviennent à enrayer. Mais parce que l’amour est un phénomène tournant parfois au sadisme, Tony aime et aimera Georgio envers et contre tout. Car, c’est lui son roi.
Dans Mon roi, le récit prend racine après un accident de ski au présent. Une belle séquence embrassant la douceur et les sommets enneigés des Alpes montre Tony au bord de la crise de nerfs. En guise de catharsis, d’exutoire, celle-ci se laisse glisser avec rage, coupant la trajectoire de son fils et de Georgio. Plutôt que de nous montrer la chute responsable de la fracture du genou de Tony, Maïwenn choisit d’en dévoiler la nature profonde. Comment expliquer le mal-être sous-jacent ? L’histoire se focalise alors sur les souvenirs de Tony, qu’elle se remémore depuis sa clinique de rééducation, au fil de son rétablissement. Le temps est venu de tout recomposer, de recoller tous les morceaux de ces dix dernières années mouvementées, avant d’espérer reprendre le cours de sa vie.
Comme elle l’avait précédemment démontré avec Le bal des actrices et Polisse, Maïwenn fait preuve d’une assez belle sensibilité pour filmer la vie, tous ces petits instants anodins du quotidien. Le corps meurtri de Tony, filmé en gros plan avec minutie, est donné à voir comme la carte fragmentée d’un horizon des possibles. La reconstruction, délicate, sera à chercher entre ombre et lumière. D’Emmanuelle Bercot, touchante, à Vincent Cassel en passant par Isild Le Besco et Louis Garrel, tout le monde ou presque interprète avec une certaine justesse les rebondissements heureux et funestes de la vie. L’ennui est que même si Maïwenn se défend de faire de la psychologie de comptoir dans son film, les errances ne manquent pas dans Mon roi. Certes, le clin d’œil à l’angoisse de la castration via l’évocation du vagin denté, ou d’une sexualité comme malédiction, recèle quelques subtilités. Une analyse essentiellement centrée sur la comparaison du sexe de Tony à "une bouche de grand-mère" serait par ailleurs peut-être intéressante. Mais même si cette histoire est plaisante, on ne peut s’empêcher de penser qu’il n’y a pas de réelle envie d’en découdre avec le cinéma dans Mon roi. À ce titre, l’on aurait souhaité voir le 68e Festival de Cannes sécréter davantage de vraies propositions de cinéma.
Un peu trop démonstrative et consensuelle, Maïwenn enfonce trop de portes ouvertes. Et si Mon roi fait parfois rire, notamment au détour des dialogues très vifs et bien pensés entre Bercot et Cassel, la défiance guette. Il n’empêche, ce long métrage séduira les spectateurs et en attendrira plus d’un. Mais reste-t-il un vrai désir de cinéma dans ce système éculé ? Rien n’est moins sûr.
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