Misanthrope - Damián Szifron - critique

Critique : Des critiques s’aventurent à comparer Misanthrope et Le silence des agneaux. Peut-être parce que l’enquêtrice principale est une femme hantée par un passé sombre et que l’homme qu’elle poursuit est un infâme psychopathe. La comparaison s’arrête là. Car avant d’être la rencontre entre un habile tueur et une femme flic, le film de Damián Szifron est d’abord un solide polar où pendant près de deux heures, une équipe relativement novice, conduite par un chef du FBI ambitieux, s’élance à la poursuite d’un terroriste fou qui tire au milieu des foules de façon totalement gratuite.

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Ce qui est d’abord magnifique dans ce récit, demeure la place de la mégalopole Baltimore. La ville somptueuse est souvent filmée depuis le haut ou le bas des tours, apportant à la fiction une patte solennelle et mystique. La cité de béton, voitures et verres semble elle-même un personnage qui symbolise à la fois le creuset de la modernité, le passage du temps, et les ravages d’un capitalisme terrifiant, laissant à l’abandon la plupart des citoyens américains. Eleanor apparaît comme un personnage timide, discret, cachant derrière ses yeux noirs et immobiles un passé tortueux, où la solitude, le désarroi et la médiocrité semblent les maîtres-mots. Elle exerce comme une simple policière, certes courageuse et curieuse, mais méprisée par sa hiérarchie, voire transparente. Elle rencontre par hasard un cador du FBI qui curieusement la choisit comme une partenaire de proximité. L’enquête peut alors commencer dans le labyrinthe glaçant d’une ville américaine où chacun des citoyens pourrait succomber à la folie meurtrière.

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Baltimore est une ville en fête. Pendant que les feux d’artifice éclaboussent le ciel, les balles abattent froidement des fêtards du Nouvel An. Les corps s’écrasent pendant que la terreur monte peu à peu dans la mégalopole. Misanthrope parle d’erreurs policières. Les enquêteurs errent au rythme d’un tueur qui va plus vite qu’eux. Ils sont amenés sur des fausses pistes, les amenant à leur tour de sombrer dans des morts gratuites, jusqu’à ce que la psychologie ou l’intuition s’en mêlent. Le récit mélange habilement l’enquête et l’immersion dans le crâne fou d’un assassin. On frémit au fur et à mesure que la personnalité macabre du tueur se fait jour et qu’on découvre surtout que les proches peuvent parfois couvrir le pire. Eleanor semble le double parfait du criminel. Elle apparaît comme un personnage à la fois fragile et fort, hanté par une histoire personnelle des plus troubles. Pour autant, Damián Szifron n’abuse pas du stéréotype du flic voyou. Son but est de captiver l’attention de son spectateur jusqu’à la scène finale.

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Misanthrope emprunte son titre français à Molière. Comme un clin d’œil à une humanité capitaliste au bord de la rupture où la haine des autres peut devenir un moteur à assassiner ses pairs. Fascinant.