Violence des échanges en milieu tempéré
Le 2 août 2024
Un premier film aussi troublant que jubilatoire, qui décortique les mécanismes de la vengeance jusqu’à l’absurde.
- Réalisateur : Damián Szifrón
- Acteurs : Julieta Zylberberg, Ricardo Darín, Dario Grandinetti, Leonardo Sbaraglia, Oscar Martínez, María Onetto, Erica Rivas
- Genre : Comédie, Drame, Comédie dramatique, Thriller
- Nationalité : Espagnol, Argentin
- Distributeur : Warner Bros. France
- Durée : 2h02mn
- Titre original : Relatos Salvajes
- Date de sortie : 14 janvier 2015
- Festival : Festival de Cannes 2014
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Résumé : Vulnérables face à une réalité trouble et imprévisible, les personnages des ’Nouveaux sauvages" traversent la frontière qui sépare la civilisation de la barbarie. Une trahison amoureuse, le retour du passé, une tragédie ou même la violence d’un détail du quotidien sont les détonateurs qui poussent ces personnages vers le vertige que procure la sensation de perdre les étriers, vers l’indéniable plaisir de perdre le contrôle.
Critique : Parmi les films de la compétition officielle cannoise de 2014, il en est un qui s’est profondément démarqué des autres, avec une liberté de ton, une ironie mordante, et des personnages enlevés qui tranchaient avec l’aspect assez académique de la plupart des films de la sélection officielle.
Quelque part entre le cinéma jouissif de Tarantino, la satire sociale surréaliste de Buñuel et l’analyse froide de la violence façon Haneke, Damián Szifron nous livre ce film multiple, la compilation de six courts-métrages sur un même thème : la vengeance.
Dans les histoires du cinéaste argentin, le vernis social se fissure et la violence enfouie jaillit dans des explosions de colère incontrôlable. L’homme redevient l’animal qu’il a tant de mal à maitriser, et les petites frustrations du quotidien, ajoutées les unes aux autres, finissent par libérer le monstre.
- © Warner Bros.
A la fin d’une séquence d’introduction drôle et absurde, le plan formidable d’un couple dans son jardin qui voit, petit à petit, un avion lui tomber dessus, donne le ton d’un film qui ne se refuse rien. On retrouve le rire jaune du cinéaste dans un segment ahurissant qui commence comme Duel de Steven Spielberg et se termine dans une extraordinaire sauvagerie. Une situation tout à fait normale déraille légèrement, et ce sont les fondements de la vie en société qui sont remis en question. Damián Szifron explore l’animal tapi à l’intérieur de l’homme, prêt à surgir à la moindre brèche.
La séquence du restaurant est un peu moins réussie, et celle mettant en scène un jeune chauffard est plus convenue. Mais le film réserve encore deux moments particulièrement savoureux. Il y a d’abord l’histoire de cet homme dont la voiture a été amenée injustement à la fourrière, et qui refuse de céder devant une administration aveugle et absurde. Pour la première fois, le film dépasse les histoires individuelles : l’homme essaie de lutter contre la violence froide et la bêtise du système. On pense un moment à Brazil ou à Très bien, merci (d’Emmanuelle Cuau).
- © Warner Bros.
Et puis il y a le dernier segment, une conclusion digne de l’ouverture du film, presque aussi surréaliste, lorsqu’un mariage se transforme en un gigantesque règlement de compte. C’est violent, drôle, profondément noir, jouissif et inquiétant. Le film se termine sur sa seule note d’optimisme : la violence ne sert pas qu’à détruire, elle permet aussi d’aimer, pardonner, reconstruire. Superbe dénouement.
Les Nouveaux sauvages est une réflexion corrosive sur la violence ordinaire : derrière les apparences d’un quotidien normal et protecteur, l’homme est souvent au bord du gouffre. Un simple souffle peut suffire à dérégler la machine sociale.
Damián Szifron raconte ces dérapages incontrôlés grâce à une mise en scène enthousiasmante. Les plans sont audacieux, incisifs, percutants, comme autant de miroirs cathartiques pour toutes ces pulsions que nous étouffons sans cesse.
On regrette simplement que ces six histoires ne soient pas plus liées. Il manque peut-être un dessin d’ensemble, une cohérence globale, un rien d’ambition, à la manière d’A touch of Sin, de Jia Zhang Ke. Reste que le parti pris étonnant du réalisateur argentin, loin des motifs naturalistes et sociaux du cinéaste chinois, font des Nouveaux sauvages une œuvre à part, un petit ovni qui tient autant du pop-corn movie que du cauchemar existentiel.
- © Warner Bros.
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