Le 13 décembre 2018
Le monde de la musique est fait de styles qui, si ils emploient un langage universel, ne sont pas toujours enclin à mêler leurs expressions. Pourtant, pour l’auditeur néophyte, cette expérience de rencontre d’identités, d’échanges, de dialogues, ouvre une place de libre écoute qui n’est revendiquée par aucune chapelle.
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Résumé : Tout le monde connaît le pianiste de jazz et compositeur Baptiste Trotignon (né en 1974), l’un des artistes français les plus créatifs sur la scène internationale, qui sait jongler avec les styles et improviser avec une grande fantaisie. Mais saviez-vous qu’il avait également construit, parallèlement à sa carrière dans le jazz, un chemin classique tout aussi remarquable en composant des œuvres écrites, dont le style est cependant resté toujours aussi libre ? Et c’est bien ce rapport qui intéresse ce musicien exceptionnel : un jeu de miroirs entre l’écrit et l’improvisé, comme les deux faces du même artiste. L’œuvre qu’il a conçue pour l’Orchestre national d’Île-de-France puise dans le patrimoine en se référant au Concertino, un genre faisant dialoguer un groupe de solistes avec l’orchestre, qu’il revisite très librement. Et c’est également ce geste libre et improvisé qui étonne à l’écoute du Premier Concerto pour piano composé par Wolfgang Amadeus Mozart à l’âge de onze ans. On est stupéfait du talent inouï avec lequel Wolfang enfant savait placer en chaque note une intensité si particulière : tout paraît si simple, mais tout est déjà si profond. Joseph Haydn a lui aussi marqué l’histoire musicale occidentale du saut de son imagination débordante : la Symphonie en sol majeur dite « Militaire » (1794) est la centième qu’il compose ! Il a excellé dans ce genre, qu’il a renouvelé à chaque partition, sans ne s’être jamais répété…
Notre avis : L’orchestre national d’Ile de France, expert dans les rencontres heureuses entre univers, affiche dans un même concert Trotignon, Mozart et Haydn. Si les derniers vous disent probablement quelque chose, il faut probablement vous présenter le premier. Connu de la fois du milieu de la musique classique contemporaine et plus encore de celui du Jazz, voilà un homme à l’allure touchante voir gauche, pianiste, compositeur et interprète, assez capé et ouvert d’esprit, pour pouvoir avoir une main dans chaque monde. L’une dans celui de la musique orchestrale écrite et l’autre dans celui d’une dérive improvisée d’influence afro-américaine. Trotignon est un chaînon manquant, expliquant par son art, comment la musique a muté entre l’Europe et les Etats-Unis, au début du siècle dernier. Dans ses créations et son jeu, on comprend qu’aucune note n’est orpheline et que les cultures musicales se répondent infiniment par un jeu de miroirs.
La première superbe super-soliste violon, Ann-Estelle Médouze, confie d’ailleurs apprécier que ce mélange entre classique et jazz, au fond peu courant, soit l’occasion d’un concert. On partage son avis, grisé par cette liberté du dévoiement qui nous rapproche de notre siècle. Trotignon se plaît même à finir par un virage tango de quelques mesures sa pièce. Le chef de cette série de concert, Michael Hofstetter, sait par sa générosité, amener le soliste et l’ondif jusqu’au point de fusion.
La pièce de Mozart, puis celle d’Haydn, nous ramènent à la modernité de leur époque ; sans engouement, il faut bien l’avouer, après la vivacité de la première partie. Le choix de ces pièces est-il pertinent ? Une autre programmation n’aurait-elle pas plus de relief ?
En rappel, Trotignon distord pour notre plus grand plaisir, une partita de Bach, qu’on semble entendre par magie au loin, au travers de son improvisation irrégulière. Miroirs sans teint.
Comme dit le musicologue devant la glace : toutes les musiques qu’on aime, elles viennent de là, elles viennent de Salzbourg.
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