Blonde platine - La chronique BD

Optic Nerve. En français, "nerf optique". C’est le nom de la revue qu’Adrian Tomine, cartoonist californien, publie depuis qu’il a vingt ans. Il en a aujourd’hui neuf de plus, mais son oeil n’a rien perdu de son don d’observateur des relations humaines. La preuve éclatante avec ce Blonde platine, son deuxième album en français après Les yeux à vif (Delcourt, 1997).

Quatre histoires constituent ce Blonde platine. Quatre destins de gens banals, introvertis, étriqués, mal à l’aise, espérant tous que "quelque chose" se passe. Un jeune écrivain, qui a connu le succès avec son premier roman et qui se perd en cherchant le second à l’ombre d’un amour d’enfance. Un trentenaire dépressif, qui assiste impuissant à la séduction de la fille de ses rêves par son voisin extraverti. Une standardiste virée, qui fait des blagues stupides au téléphone en espérant que le prince charmant répondra. Un lycéen coincé, qui découvre le sexe avec une fille facile mais pas mieux dans sa peau que lui.

Tout est question de regard dans ces instants de vie. Celui de la société, des autres (l’enfer...). Celui d’Adrian Tomine, d’une acuité, d’une sensibilité et d’une tendresse étonnantes. Celui du lecteur enfin, invité dans ces cases par un trait réaliste mais peu encombrant, qui met en évidence des visages inexpressifs, miroirs de toutes les interprétations. Du noir, du blanc, du gris, du tramé pour les ombres, l’univers de Tomine n’est pas gai, mais il n’est pas désespéré non plus.

Car l’auteur, dont le travail, dit-on, est proche de l’autofiction, met dans son récit beaucoup d’air. L’intensité passe par le non-dit, les ellipses qu’il multiplie, les interstices entre les cases dans lesquels passe un souffle de vie. Un art de la simplicité qui demande une énorme maîtrise. Les yeux à vif n’en consituait que l’ébauche. Blonde platine en affiche, déjà, la géniale maturité.