Le 7 janvier 2002
L’amour en conte tragique d’une incroyable beauté.
L’amour en conte tragique d’une incroyable beauté.
Mirage d’amour avec fanfare, c’est l’histoire de deux êtres que tout sépare, mais dont la rencontre crée une alchimie passionnelle qui semble ne pouvoir exister qu’en rêve. Le mirage est d’abord là, dans l’improbabilité cet amour entre Golondrina del Rosario, jeune fille orpheline de mère, attentivement éduquée par son père, toute pleine d’innocence, d’élégance, de sensibilité et de bonnes manières, bref, la vierge parfaite, et Bello Sandalio, le coureur de jupons, le trompettiste des bordels, qui croit tromper la Belle et qui succombe finalement à l’amour débridé et ravageur de celle qui lui a donné son cœur.
Trame au fond assez classique, qu’Herman Rivera Letelier transforme en un conte tragique d’une incroyable beauté, dont le décor se trouve dans la ville minière de Pampa Union, en plein désert d’Atacama, où le vent persistant soulève une poussière qui assèche les visages, où le soleil aride brûle les yeux. Avec la précision d’un scientifique et la légèreté d’un poète, virtuose dans sa maîtrise de la langue et servi par une excellente traduction, Letelier crée une atmosphère si réelle qu’on finit par avoir soif, qu’on se demande si, comme Candelario Pérez, l’ancien combattant de 1879, on ne va mourir de soif deux fois pendant le lecture de Mirage d’amour.
Et pourtant, dans ce paysage où la lumière blanche nous aveugle, on perçoit de multiples taches en mouvement, des vies malmenées par d’effroyables conditions de travail dans les mines, des destins brisés par le sort qui s’acharne, des combats politiques acharnés et utopiques (en cela, Letelier se fait le véritable porte-parole de générations de mineurs quasiment réduits à l’esclavage dans les mines de salpêtre du Chili, mettant au jour cet autre mirage de la lutte vaine des mineurs). Et puis on perçoit aussi des rumeurs, celle d’une ville populaire animée chaque fin de semaine par les beuveries des ouvriers et les cris des prostituées faussement farouches dans les innombrables cabarets et bordels de la ville. Au-dessus de ce vacarme, Letelier nous fait entendre les douces mélodies du piano de mademoiselle Golondrina qui accompagne les films projetés au Théâtre Ouvrier, et la musique de la trompette de Bello Sandalio ("un flot d’or liquide, brûlant, cosmique"), qui envoûte les sens de Golondrina et fait basculer son univers en même temps que le roman dans un hymne à la vie, une vie de douleurs et de sensuelle folie, une vie de rêves et d’utopie, une vie de mirages...
Hernan Rivera Letelier, Mirage d’amour avec fanfare, (traduit de l’espagnol (Chili) par Bertille Hausberg), Métailié, 2000, 235 pages, 17 €
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