Miracle - La critique du Grand Prix du Jury du dernier Festival d’Arras

Une étude réaliste des méandres de l’adolescence de jeunes slovaques prisonniers de la misère sociale. Une mise en image du réel que Ken Loach ne renierait pas.

L’argument : Ela, 15 ans, est placée en maison de correction. Apprenant qu’elle est enceinte, elle s’enfuit pour retrouver le père de son enfant dont elle est follement éprise. Mais celui-ci a d’autres problèmes, notamment avec son dealer...

Notre avis : Vainqueur de l’Atlas d’or, Grand Prix du Jury au dernier Festival d’Arras, Miracle s’est vu couronné par les professionnels présidés par Philippe Faucon. En dépit des qualités du film, on peut légitimement se questionner quant à la divergence de point de vue entre les deux Jurys, les professionnels de la presse n’ayant visiblement pas été autant transcendés par la réalisation de Juraj Lehotsky. Au-delà des réussites formelles du long métrage, on peut assurément se questionner sur la caractéristique du projet : est-il un drame réaliste et poignant ou la copie appliquée d’un élève suivant la définition même du "cinéma vérité" telle qu’elle s’appliquait en 1950 ? S’attachant à filmer des personnages interprétés par des amateurs tout droit sortis de véritables maisons de correction, mise en image très "reportage" à l’appui dont l’unique rappel à la fiction passe par son récit, l’œuvre du slovaque gagne sur le plan de l’entomologie d’un microcosme ce qu’elle perd sur celui de la spontanéité narrative.

Miracle s’inscrit donc dans les pas de l’œuvre du britannique susnommé et il est certes difficile de ne pas penser à la "méthode Ken Loach" : acteurs ayant pratiqué l’expérience de la vie semblable aux personnages qu’ils incarnent, recherche de la retranscription la plus fidèle possible du réel à l’écran etc. Mais ce qui fonctionne chez l’un ne fonctionne pas forcément de la même façon chez l’autre. Là où le cinéma de Loach peut se targuer de nuances rendant ses réalisations tellement crédibles dans le militantisme, Lehotsky pousse un peu trop les curseurs du misérabilisme par quelques effets d’écritures éculés. Effectivement, on a parfois l’impression que le metteur en scène poursuit des rouages qui conduiront un peu plus ses protagonistes vers le prochain opposant, au sens scénaristique du terme. Les embûches à répétition des personnages deviennent alors un frein au dispositif de mise en scène réaliste. Certains de ces procédés sont trop palpables pour pleinement se laisser entraîner dans cette plongée révélant un détachement physique et moral du système qui, toute proportion gardée, rappelle aussi la jeunesse marginale chère à Larry Clark.

Cependant Juraj Lehotsky, déjà connu de par son passé de documentariste, touche pleinement sa cible dans son choix et son travail de direction d’acteurs. Car même si une fois de plus, celui-ci rappelle le cheminement d’autres grands militants, il atteint ici des sommets d’aboutissement en termes de restitution du "vrai" sur les visages, notamment en gros plans, de ces enfants à la dérive qui ne jouent pas mais... sont eux-mêmes. En ce sens, Michaela Bendulova est impressionnante en future maman et porte sur ses jeunes épaules nombres de scènes réellement immersives et donc "utiles", en ce quelles produisent sur l’appréhension de l’auditoire. A ce titre, les scènes de cavales restent les plus marquantes. Elles symbolisent une belle épigraphe du nécessitarisme social slovaque et servent a minima la noble cause du rapport social.

Il est donc tout à fait légitime de pardonner les quelques fausses notes du metteur en scène, probablement liées au passage du documentaire à la fiction, pour ne conserver que l’essentiel : Miracle est un cri engagé en faveur d’une jeunesse déchue nécessiteuse, formidablement habité (et non pas interprété) par des jeunes impressionnants, l’héroïne en tête !