Le 1er octobre 2002
Il y a du mystère à la pelle dans Miracle à Miami, et la liberté y galope à bride abattue dans un carnaval tragique et cocasse.
La literatura es misterio y libertad. Jamais Zoé Valdés n’aura été aussi fidèle à sa devise. Il y a du mystère à la pelle dans Miracle à Miami, et la liberté y galope à bride abattue dans un carnaval tragique et cocasse.
Oyez, oyez l’abracadabrante histoire d’une reine de beauté d’origine cubaine. Top-model rangée des valises, mariée avec un milliardaire américain, Iris Arcane souffre d’une étrange incandescence qui la met littéralement en ébullition. S’agit-il d’une vengeance de son Pygmalion, le photographe Abomino Dégueu ? D’un complot mené par sa rivale, Fausse Univers, aux implants mammaires composés "d’un cocktail de jus de bagasse et d’huile de foie de morue" ? A-t-elle été envoûtée ? Pendant que la belle Iris se consume dans une enceinte réfrigérée et vitrée évoquant "un vaisseau spatial ou quelque ziggourat martienne" et qu’enquête le détective français Tendron Mesurat, spécialiste des forces du mal, la rumeur d’un imminent miracle enfle dans Miami.
Ceci pour donner une idée du propos, totalement impossible à résumer, tant est intarissable la faconde de l’auteur dans ce conte d’un lyrisme baroque et échevelé, truffé d’outrances éléphantesques. L’exagération "naturelle" de Zoé Valdés est comparable à celle d’un Alejo Carpentier. Ecrivain rocanrol qui ne connaît pas la demi-mesure, elle nous entraîne dans une sarabande ébouriffante. Simple divertissement ? Ce serait faire peu de cas du parcours de la Cubaine, née avec la prise de pouvoir des barbudos, interdite de publication dans son pays pour cause de "pornographie", exilée à Paris.
Dans son Miami tragique et grand-guignolesque couve la nostalgie de l’Île, objet de toutes les pensées, si proche et pourtant inaccessible, mise en coupe réglée par "le Grand Fatidique, www.homobarbaro.com". A l’instar du passablement givré Chrysanthème Cucuvif, tous les exilés n’ont qu’une idée en tête : "qu’il se produise enfin quelque chose de grand, d’insolite qui nous apporte le salut." Sous la farce pointe l’espoir du miracle, celui du retour à la démocratie personnifiée par la tendre et compassionnelle Iris, dont les attraits physiques n’ont d’égal que la richesse intérieure.
Et en attendant, puisque "c’est mieux que si c’était pire", les Cubains rêvent... ou écrivent des livres qu’on ne verra pas de sitôt en vitrine des librairies de La Havane... Vous avez dit subversif ?
Zoé Valdés, Miracle à Miami (Milagro en Miami, traduit de l’espagnol (Cuba) par Albert Bensoussan), Gallimard, 2002, 280 pages, 18,90 €
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