Le 20 juillet 2021
Onze ans après sa Palme d’or à Cannes, Weerasethakul y est revenu pour présenter son premier long métrage en anglais – et en espagnol -. Malheureusement, il offre une caricature de film d’auteur, dont on peine à voir la fin.
- Réalisateur : Apichatpong Weerasethakul
- Acteurs : Jeanne Balibar, Tilda Swinton, Daniel Giménez Cacho, Juan Pablo Urrego, Elkin Díaz
- Genre : Drame fantastique
- Nationalité : Britannique, Français, Mexicain, Thaïlandais, Colombien
- Distributeur : New Story
- Durée : 2h16mn
- Date télé : 18 mars 2023 21:00
- Chaîne : OCS Choc
- Date de sortie : 17 novembre 2021
- Festival : Festival de Cannes 2021
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Résumé : "Au lever du jour j’ai été surprise par un grand BANG et n’ai pas retrouvé le sommeil. A Bogota, à travers les montagnes, dans le tunnel, près de la rivière. Un Bang."
Critique : Weerasethakul fait l’éloge de la lenteur. C’est ainsi qu’il obtint sa Palme d’or en 2010, avec Oncle Boonmee (celui qui se souvient de ses vies antérieures). Son intention est de peser physiquement sur le spectateur, en le mystifiant, voire en l’anesthésiant volontairement, pour lui proposer une pause méditative, doublée d’une expérience sensorielle.
Dans cette perspective, on concédera à Memoria son réel impact. Le film décuple les sens ou en tout cas invite à le faire. Le travail sur le son, au cœur de l’intrigue, marque particulièrement. Mais si le sound design est impeccable, il n’aide pas la progression de l’intrigue. Sous ses airs de conte philosophico-poétique, Memoria est très lourd. Les panoramiques n’en finissent pas, les gestes, les déplacements, les dialogues semblent avoir été tournés au ralenti. Or, si l’effet peut être salutaire, il existe une limite au-delà de laquelle on bascule dans l’excès, la pose qu’on taxera facilement de prétentieuse. Memoria la franchit allègrement. Certains plans méritent pourtant qu’on s’y attarde. La scène de « mort », qui s’étire démesurément, a au moins du sens. Mais deux personnages, dans une situation relativement banale en milieu de film, ont le droit de se répondre avec un peu plus de vivacité. Tilda Swinton a aussi le droit d’ouvrir son armoire normalement. Chaque spectateur pourra faire l’essai : il somnolera probablement quelques secondes, peut-être quelques minutes au cours du film. Pourtant, il est possible qu’il regarde, en se réveillant, le même plan fixe.
- Copyright Kick the Machine Films/Burning/Anna Sanders Films/Match Factory Productions/ZDF/Arte/Piano 2021
Tout cela est bien dommage. Car en poussant ce rythme à la limite du supportable, Weerasethakul propose une caricature de long métrage d’auteur ultra-contemplatif et dégoulinant de prétention, ce genre de film spontanément évoqué par les détracteurs des œuvres peu pressées, qui leur donnent du grain à moudre pour affirmer, sans détours, que le cinéma, à Cannes, est ennuyeux.
Le réalisateur s’enfonce dans ce conte mystique interminable et c’est regrettable, d’autant que son potentiel poétique est énorme. Il touche parfois du doigt ce qu’aurait dû être son propos, notamment avec la révélation finale et un plan absolument sublime comme il sait les faire. Dans la nature se cachent parfois les indices de notre lien avec le monde, avec les autres. Tout le discours que Weerasethakul propose autour de notre relation à ce qui nous entoure brille par sa beauté et sa sagesse. Cette vision circulaire du vivant ne peut laisser indifférent.
- Copyright Kick the Machine Films/Burning/Anna Sanders Films/Match Factory Productions/ZDF/Arte/Piano 2021
On y retrouve en tout cas une Tilda Swinton pour le moins investie, elle qui va même jusqu’à coproduire le film. Sa présence est magnétique et quelques séquences, à la mise en scène inspirée, nous révèlent son immense talent. Toutefois, saisie le plus souvent en plan très large, l’émotion peine à se dégager de sa silhouette perdue dans le cadre, même si cela convient parfaitement au contenu du film. "Nous sommes la nature, nous ne pouvons nous en dissocier", affirme en somme le long métrage.
- Copyright Kick the Machine Films/Burning/Anna Sanders Films/Match Factory Productions/ZDF/Arte/Piano 2021
Memoria reste donc une expérience à part, à tenter. Chaque spectateur connaît ses limites, ici mises à rude épreuve. Il est de notre devoir de l’avertir. Mais dans les bonnes conditions – sommeil complet et salle obligatoire -, la beauté se révèlera peut-être à qui sait la chercher.
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