Paris en bouteille
Le 17 septembre 2003
Les chambres à gaz auraient-elles pu être évitées si Hitler avait su exprimer ses traumatismes et ses angoisses sur la toile ? Avec des si...
- Réalisateur : Menno Meyjes
- Acteurs : John Cusack, Noah Taylor, Molly Parker
- Genre : Historique
- Nationalité : Américain
– Durée : 1h46mn
Les chambres à gaz auraient-elles pu être évitées si Hitler avait su exprimer ses traumatismes et ses angoisses sur la toile ? Avec des si...
L’argument : Munich, 1918. L’Allemagne accuse à peine le choc de la défaite et déjà se profile une humiliation plus grande encore avec le Traité de Versailles. Max Rothman, grand blessé, amputé du bras droit, doit renoncer à une carrière prometteuse de peintre. Cultivé, plein de confiance en l’avenir, il ouvre une galerie d’art résolument tournée vers la modernité et tente de reprendre le cours de sa vie entre son épouse, la belle Nina, et sa jeune et aristocratique maîtresse, Liselore. Il fait la connaissance d’un jeune caporal, ancien compagnon de régiment, livré à lui-même, un certain Adolf Hitler. Rothman, partagé entre la répulsion et la fascination, prend sous sa protection ce peintre dénué de talent et l’encourage à exprimer sa frustration et ses angoisses sur la toile.
Notre avis : Il y a une certaine indécence à suggérer que la mort de millions de soldats et de civils fut la triste conséquence d’un rendez-vous manqué. Néanmoins, le propre de l’art, c’est bien de poser la question "Et si ?", et elle part ici d’une considération judicieuse, à savoir : les grands tyrans ne se sont pas improvisés monstres du jour au lendemain. Et si Hitler, le peintre, avait eu du talent ? Et si quelqu’un avait su le détourner de ses pulsions de mort ? Nous voilà donc confrontés à un petit caporal partagé entre ses propres aspirations artistiques et le désir de voir à nouveau sa nation fière et prospère. Face à lui, un idéaliste juif, malgré tout déstabilisé par l’horreur de la guerre, et instable tant dans sa vie privée que dans sa perception de l’avenir. L’un est sans famille et sans un sou, l’autre vit dans une grande maison bourgeoise entouré des siens. L’un croit en l’épuration raciale, l’autre en l’humanité.
Noah Taylor prête ses traits à un Hitler tantôt vociférant et exaspérant, tantôt pathétique et passif. Echappe-t-on réellement au cliché ? John Cusack offre, en revanche, une interprétation brillante et en nuances de ce propriétaire de galerie d’art raffiné, en marge de sa société et de sa communauté. Leurs conversations, trop rhétoriques pour être crédibles, restent artificielles.
Si l’idée est intéressante, la réalisation n’est pas à la hauteur, ce qui est d’autant plus flagrant quand on s’attaque à un personnage aussi emblématique que le Führer. Partant d’une théorie provocatrice, le film sombre progressivement dans une méditation bavarde et peu convaincante sur le thème : l’art peut-il exorciser les démons intérieurs ? La structure même du film, dans lequel se succèdent les rencontres et les parallèles entre les deux hommes, est répétitive et finalement lassante. Quant à l’accroche de l’affiche qui annonce "Art + politique = pouvoir", elle est, à notre avis, simpliste et fort contestable...
Menno Meyjes s’est sans doute montré trop ambitieux pour un premier film. Dommage, l’esthétique de Max est plutôt soignée et le réalisateur parvient à créer un univers singulier autour de chacun de ses protagonistes. Néanmoins, avant de poser la question "Et si ?", il faut s’assurer qu’elle ait le moindre sens.
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karamzin 18 janvier 2007
Max
Et si Max Rothman, le héros fictif du film de Menno Meyes, cet artiste devenu directeur d’une galerie d’art parce que sa participation au premier conflit mondial lui a coûté un bras, ce qui l’empêche désormais de peindre, ce fils né d’une riche famille juive et cultivée avait vraiment existé et rencontré, dans le Munich de 1918, Adolf Hitler ? Type aux idées extra-larges et ne manquant pas de finesse psychologique, il aurait certainement pu stopper net, du moins si on lui avait laissé le temps, le politicien débutant qu’était alors Adolf Hitler en donnant au passionné d’architecture que celui-ci était aussi, ce qu’il recherchait le plus, la reconnaissance par un professionnel de son talent d’artiste, le bonhomme doutant fortement de ses dons. La bénédiction de Max en poche, Adolf Hitler, conforté dans l’idée qu’il se faisait de sa vocation, se serait mis alors à cracher du trait à longueur de journée. Accaparé par la recherche de la pureté d’une courbe dans une occupation saine et noble, il se serait ainsi éloigné une fois pour toutes de ces frénétiques soirées où il aiguisait ses talents d’orateur dans de fallacieux discours sur la pureté de la race. L’art ayant tué dans l’œuf l‘homme politique, le dictateur ne serait bien évidemment pas né et la seconde guerre mondiale, par voie de conséquence, remise aux calendes grecques.
Et si. Le moins que l’on puisse dire de l’hypothèse qu’émettait le pote à Steven Spielberg dans Max, dans ce film qu’il tournait en 2002, est qu’elle est ne manque pas de culot. Certains chiffres méritent en effet que l’on s’en tienne aux faits, WW2 ayant fait dans le monde plus de soixante millions de victimes. Supposition déplacée, elle semble aussi totalement dénuée de fondements, l’histoire ayant prouvé qu’après la reddition de l’Allemagne signée à Rethondes, Adolf Hitler, revanchard parce qu’il ne supportait pas d’avoir perdu la guerre et plus antisémite que jamais, éprouvait bien moins d’intérêt et de goût pour les belles perspectives et le calcul des lignes de fuites appris à Vienne une douzaine d‘années plutôt, que pour son action politique.
Fâché par cette hypothèse qui n’avait pas lieu d’être, le spectateur de Max pourrait tout aussi bien l’être et d’une, par le peu d’imagination dont a fait preuve celui qui l’a émise pour la mettre en scène - en effet, que de situations attendues, le plus exemple en étant sûrement la mort de Max en héros, en souffre-douleur de tout un peuple -, et de deux, par ce trop-plein d’imagination qu’il manifeste parfois - Rothman a installé sa galerie d’art dans une usine désaffectée que renieraient certainement pas les plus branchouilles de nos artistes actuels -, et de trois, par ce Max justement (John Cusack), il est à la fois bien trop beau, bien trop bon, bien trop riche, trop bien marié, bien trop lettré, bien trop à l’écoute de ses ennemis jurés, bref, bien trop parfait pour être vrai, et enfin par la trop médiocre prestation de Noah Taylor en Hitler. Hors de lui, puisque l’acteur s’est physiquement enlaidi pour interpréter le rôle, il n’en est pas pour autant entré dans la peau de son personnage comme avait su si bien le faire Bruno Ganz de la Chute d’Hirschbiegel.