Marzi Intégrale . T.1 . Une enfance polonaise 1984-1989 - La chronique BD

Le délai pour parler d’une époque a tendance à se réduire, mais désormais, ce ne sont plus les adultes qui se souviennent lorsqu’une ou deux générations se sont passées. Non, désormais, ce sont les jeunes adultes qui portent haut et fort leurs souvenirs, espiègles ou endeuillés, sur le front de l’art et de la littérature pour parler d’événements qui sont de plus en plus récents. La chute du communisme dans les pays d’Europe de l’Est est un de ces thèmes qui n’a pas attendu près de cinquante ans pour être dépoussiéré. Et c’est tant mieux, car les souvenirs précis et tendres de Marzi font rejaillir bien plus qu’une époque, c’est un système, des habitudes de vie, des petites frasques et de grandes fresques qui s’étalent sans autre unité que celle chronologique. Alors évidemment, tout n’est pas passionnant, mais tout est utile.

Marzena Sowa, Sylvain Savoia / Dupuis

Capturer ce froid crépuscule du soviétisme, Sylvain Savoia l’a fait avec couleur et visages clairs, comme si les yeux d’une enfant racontait à nouveau quelque chose vu et revu, ce regard qui fait ressortir les couleurs plus belles qu’elles ne le sont en réalité, que ce soit un papier peint usé d’un immeuble de ville ou les animaux d’une basse-cour de campagne, tout a fière allure malgré les restrictions, et même la queue interminable pour du sucre ou de la viande devient une aventure. Pourtant, à côté des grands yeux bleus de l’héroïne, plusieurs éléments se distinguent : une mère coriace, un père au visage absent, des escaliers gris et des usines noires, un fond toujours plus froid semble grandir avec les années, et donc avec le regard.

Marzena Sowa, Sylvain Savoia / Dupuis

Œuvre formatrice autant que révélatrice, Marzi est une belle adaptation en BD d’une réalité brusque, mais comme ses compagnons des œuvres jeunesses, elle le fait avec une certaine douceur, voire timidité, elle aussi jolie à découvrir.