Le 5 janvier 2022
Le film d’Abbas Amini est un labyrinthe complexe et haletant, où l’Iran, dévasté par l’inflation, constitue la figure première de ce récit noir.
- Réalisateur : Abbas Amini
- Acteurs : Baran Kosari, Amirhosein Fathi, Mani Haghighi
- Genre : Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters
- Nationalité : Iranien
- Distributeur : L’Atelier Distribution
- Durée : 1h42mn
- Titre original : Koshtargah
- Date de sortie : 5 janvier 2022
- Festival : Festival de Reims 2021
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Résumé : Expulsé de France, Amir retourne vivre chez sa famille en Iran. Par solidarité avec son père, il se retrouve impliqué dans un crime et va devoir fréquenter le trafic de devises étrangères au marché noir. Mais la culpabilité le ronge…
Critique : L’homme marche dans un abattoir. La lumière est bleutée, ténébreuse, presque comme si cet espace clos était celui de la désolation de tout un pays, l’Iran, que l’embargo américain a fini par étouffer. Ici, l’inflation écrase les populations. On échange des dollars ou des euros dans la rue, pour recouvrir un peu de souffle. Tout se trafique, même la viande que l’État réquisitionne pour nourrir sa population. Et les banques tentent par tous les moyens de retrouver leur équilibre financier. Abbas Amini est un maître de la critique sociale dans son pays. Il fabrique un cinéma cru, qui prend le parti des ouvriers épuisés par des mois sans salaire. Il montre les femmes et les hommes travailler, s’organiser dans des syndicats pour faire valoir leurs droits, mais rien ne peut empêcher les trafics souterrains de s’organiser.
- Copyright L’Atelier Distribution
Le rythme haletant et prenant de ce récit policier et social à la fois trouve sa source dans une musique quasi permanente dans le film. Elle s’invite dans la mise en scène, le mouvement des objets, le regard des comédiens, comme si elle-même était une interprète de la narration. On perçoit avec elle les tremblements d’un pays qui peine à trouver un équilibre entre la tentation de tricher, de contourner les lois, et celle de se conformer à l’ordre. La question religieuse est savamment citée, à travers notamment la culpabilité qui ronge le héros principal. Amir est le témoin de morts crapuleuses où son père, gardien de l’abattoir, a été lamentablement mêlé par l’initiateur du crime. Comme souvent dans le cinéma iranien, Abbas Amini met en tension la volonté des personnages de se sauver de la honte et du remord, tout en tentant de se frayer un chemin de liberté. En ce sens, l’Iran offre un cinéma complexe et tortueux. On assiste au paradoxe d’une nation qui choisit à sa tête un Islam autoritaire et radical, tout en s’offrant des latitudes absolument inédites. Marché noir raconte bien la dualité profonde d’un pays qui se débat dans ses contradictions.
- Copyright L’Atelier Distribution
En même temps, Marché noir est un récit policier mené de main de maître. Si la photographie s’abandonne parfois à des images rupestres très belles, quasi touristiques, le propos est sombre et tourmenté. Les trafics d’argent, les ventes clandestines de viande, les crimes répugnants se déroulent dans une atmosphère sombre et anxiogène. On suit le périple de ce héros malheureux qui lutte contre ses pulsions de vie et de mort. Il voudrait faire éclore le bien dans son existence, sortir de la médiocrité de sa vie, tout en se morfondant d’un ratage migratoire en France où, après avoir subi la jungle de Calais, il a été reconduit à la frontière. L’apport en devises étrangères est pourtant indispensable pour nombre de familles, et Amir a échoué dans son périple économique. Il rêve de rendre à sa famille l’argent accumulé pour lui permettre de payer les passeurs. Il doit donc choisir entre la pauvreté et la tentation de l’argent facile.
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Abbas Amini nous offre là un grand film où les femmes, pourtant rares, demeurent les véritables héroïnes et les passeuses de liberté. A travers elles, c’est tout un pays qui espère un jour se relever de cet étranglement économique et monétaire que l’Occident lui impose.
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