Guidé par la haine
Le 20 décembre 2012
Alan Clarke s’attaque à l’absurdité de la société à travers l’histoire terrible d’un ado animé par la haine des autres. Le film reste, 30 ans plus tard, toujours très marquant.
- Réalisateur : Alan Clarke
- Acteurs : Tim Roth, Terry Richards, Bill Stewart
- Genre : Drame, Téléfilm
- Nationalité : Britannique
- Durée : 1h16mn
- Titre original : Made In Britain
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Alan Clarke s’attaque à l’absurdité de la société à travers l’histoire terrible d’un ado animé par la haine des autres. Le film reste, 30 ans plus tard, toujours très marquant.
L’argument : Trevor est un skinhead qui porte une croix gammee entre les deux yeux. Il a un penchant pour la bagarre et passe son temps entre le bureau d’aide sociale aux chomeurs et le hangar dans lequel il vit.
Notre avis : Ce n’est qu’en 2011, grâce à une réédition en DVD, que le public français a enfin pu (re)découvrir ce téléfilm qui, initialement, fut une commande de la BBC, au début des années 80. Il fut aussi diffusé sur Antenne 2 en 1987. À l’époque, beaucoup jugeaient le cinéma du cinéaste anglais exagérément insolent, car porté par une volonté d’interpeller d’une manière trop peu fictionnelle. Nombre de ses films furent ainsi censurés, même en Angleterre où la grande majorité s’y déroule. Alan Clarke est un cinéaste animé par un réel désir politique, celui de rendre compte d’une réalité méconnue ou non assumée au travers d’histoires marquantes et, très souvent, violentes – que ce soit dans leur forme ou dans leur propos. Made in Britain ne pallie pas à la règle, puisque le film use d’ingrédients particulièrement mémorables pour interpeller son spectateur. En premier lieu, il y a cette histoire, terriblement banale, d’un jeune anglais égaré dans une société qui agonise – le chômage explose, la délinquance aussi. Trevor est âgé de 16 ans et vient d’être condamné, pour vols à répétition, à un placement de six semaines dans un centre social. Le garçon ne passe pas inaperçu : croix gammée tatouée entre les yeux, crâne rasé et rangers aux pieds, c’est le reflet parfait du skinhead. L’ado est instable et préfère discuter avec les poings qu’avec les mots, un peu à l’image du monde qui l’entoure. Il ne souhaite pas s’intégrer et ne veut pas de cette société coupable régie par l’exploitation. Il va néanmoins vite apprendre que sa liberté a un coût : celui des matraques de la police, faites pour briser les os.
Aujourd’hui encore, le cinéma d’Alan Clarke marque par sa brutalité. Il faut dire que le réalisateur filme avec débauche le récit tragique de cet adolescent condamné par ses propres idéaux. La caméra voltige, suit à la trace les déplacements – Clarke raffole des travellings – tandis que les bruits sourds des impacts physiques résonnent avec lourdeur. Le montage, lui, est minimaliste, l’action se déroulant en continu de manière à la rendre aussi naturelle que possible. Dans une séquence forte, Travis se dirige dans une agence de travail, non pas pour en chercher, mais pour en découdre : pour cet adolescent, le travail n’est qu’un outil d’asservissement dont disposent les riches pour exploiter les pauvres. Son passage se terminera par le jet d’un pavé qui causera l’éclatement de la vitrine de l’agence. La panique s’empare des gens qui crient devant le bruit du verre brisé. L’outrage permet à Travis d’exister.
Made in Britain, c’est aussi l’occasion de découvrir les premiers pas à l’écran de Tim Roth, alors âgé de 21 ans. Sa gueule d’ange démoniaque, marquée par une haine indélébile, représente le reflet alarmant d’une partie de la jeunesse anglaise, ancrée dans la pénurie culturelle et la violence. Comme son titre l’indique, Made in Britain porte en lui les gènes d’un territoire heurté par la période post-30 glorieuses : les laissés pour compte de la croissance se multiplient, et la société anglaise ne parvient plus à s’occuper de ses propres enfants ; pire, elle fabrique des êtres exclus de tout circuit – l’école les chasse, le travail aussi – hormis celui de l’éternelle fatalité que représente la prison.
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