Quand Thatcher avait les crocs
Le 8 septembre 2014
Une comédie musicale sortie de nulle part, qui correspond toutefois bien à son auteur, Alan Clarke, principalement motivé par des considérations sociales.
- Réalisateur : Alan Clarke
- Acteurs : Alun Armstrong, Bruce Payne, Phil Daniels
- Genre : Comédie musicale
- Nationalité : Britannique
- Editeur vidéo : Elephant Films
- Durée : 1h28mn
- Titre original : Billy the kid and the green baize vampire
L'a vu
Veut le voir
Sortie DVD : le 9 septembre 2014
Une comédie musicale sortie de nulle part, qui correspond toutefois bien à son auteur, Alan Clarke, principalement motivé par des considérations sociales.
L’argument : Un jeune prodige du billard aux allures de cow-boy, voit sa carrière compromise à partir du moment où son manager se fait manipuler par un gangster. Le joueur est alors contraint d’affronter le champion du monde, Maxwell Randall alias "Green Baize Vampire", s’il veut pouvoir continuer à jouer dans la cour des grands...
Notre avis : Le réalisateur Alan Clarke (1935-1990) a beaucoup œuvré dans le cinéma social. Fer-de-lance de la BBC, il a mis en scène de nombreux téléfilms qui ont bousculé les téléspectateurs par leur réalisme. D’autant que son cinéma est toujours assez violent, que ça soit pour décrire le milieu des prisons pour jeunes (Scum, 1977), les skin-heads qui en veulent à la société entière et sont incapables de s’insérer (Made in Britain, 1982) ou encore le hooliganisme pratiqué par la middle-class britannique (The firm, 1988).
Alan Clarke n’y va jamais avec le dos de la cuillère pour dénoncer les solutions discutables de l’état britannique pour répondre aux désordres sociaux, quand il ne se montre pas carrément absent.
Hormis Scum qui date de 1977, ses films les plus marquants sont concomitants avec le thatchérisme (1979-1990), ce qui donne d’autant plus de poids et de rage à ces fictions particulièrement engagées.
Dès lors, on peut se demander pour quelle raison Alan Clarke a décidé en 1985 de mettre en scène ce Rhapsodie en 3 bandes, plus connu sous son titre original de Billy the kid and the green baize vampire. Le cinéaste britannique aurait-il tout simplement souhaité s’offrir une pause avec un film plus léger ?
En apparence, c’est l’impression que l’on a. Car ce long métrage a tout d’un pur délire. Déjà dans son titre. On comprend que le film va mettre aux prises Billy le kid et Dracula. Alan Clarke n’est pourtant pas le premier à confronter ces deux personnages mythiques. Le réalisateur William Beaudine est l’auteur d’un étonnant Billy the kid versus Dracula daté de 1966, avec John Carradine dans le rôle de Dracula. Mais Alan Clarke n’a pas choisi la voie du remake. Son film ne se déroule pas du tout dans l’Ouest américain, au temps des cowboys, préférant l’époque contemporaine, et surtout il propose une confrontation entre ces deux mêmes personnages, par le biais d’une compétition de billard. Chose complètement délirante en soi.
Et ce n’est pas tout. Au-delà d’un synopsis bien déjanté, Alan Clarke déplace aussi Billy the kid and the green blaize vampire sur le terrain de la comédie musicale ! La musique, signée George Fenton, est bien dans le style musical des années 80 avec la présence poussée de synthétiseurs. Le son est aussi agrémenté de morceaux jazzy et d’accords de guitare plus classiques. Le résultat est étonnant à l’écoute mais il tient complètement la route. En fait, ce qui surprend le plus dans cette comédie musicale, c’est qu’Alan Clarke parvient à apporter une musicalité à des choses qui ne le sont pas. On songe ainsi à ce combat autour d’une partie de billard avec une foule en délire, qui pousse des cris comme si les combattants étaient dans une arène aux lions.
La photographie est très belle avec des éclairages très colorés qui donnent un côté glam-rock à l’ensemble. Alan Clarke aurait-il vendu son âme sociale à cette occasion ?
Absolument pas. Car même si le film contient son lot de séquences drôles et délirantes, ce long métrage ne se contente pas de jouer la carte de la dérision ou de la pochade.
Le fait que l’action se déroule dans le milieu du billard peut sembler incongru. Et pourtant, ce choix n’est nullement anodin. Sous les oripeaux d’une comédie musicale au délire assumé, Alan Clarke en profite pour régler ses comptes avec une société de plus en plus inégalitaire. Il n’a de cesse dans Billy the kid and the green baize vampire d’opposer deux mondes bien distincts, avec tout d’abord d’un côté les nantis, dont le représentant est le vampire. Ce dernier est un homme d’âge mur qui prélève le sang des prolétaires, lesquels se retrouvent démunis et sans le sou. Le billard est d’ailleurs un milieu où l’on joue des sommes d’argent importantes et où les arnaques existent.
Billy le kid va l’apprendre à ses dépens. Le kid n’est rien d’autre qu’un gamin, donc le parfait représentant de la jeunesse. Dans la toute première chanson, cela n’est pas un hasard si Phil Daniels, qui interprète le rôle du kid, évoque les billets verts, en montrant un clochard qui n’aura jamais la possibilité d’être riche.
D’autres chansons de cette comédie musicale étayent l’antagonisme entre une jeunesse paumée (la montée en puissance des skinheads), pauvre, qui subit de plein fouet le chômage et une politique drastique de réduction des dépenses publiques. Car si le thatchérisme a été marqué par une politique économique libérale qui a profité aux gens de la middle-class, il a aussi dans le même temps considérablement augmenté le nombre des laissés-pour-compte, victimes collatéraux du chômage de masse.
Si Billy the kid and the green baize vampire est en fin de compte totalement dans la mouvance des œuvres d’Alan Clarke sur le plan thématique, il l’est également d’un point de vue formel. Ainsi, on ne compte pas le nombre impressionnant de travellings qui émaillent ce long métrage. A la manière d’un homme pressé qui ne souhaite pas se laisser faire (c’est peut-être en cela sa seule liberté), Billy le kid rappelle clairement les personnages des autres œuvres de fiction d’Alan Clarke. La mobilité des travellings qui suit les mouvements des personnages est un avant-goût des hooligans de The firm mais surtout des tueurs froids d’Elephant, qui a nettement influencé Gus Van Sant pour son film éponyme
.
Au-delà de son visuel sympathique et coloré et de ses personnages décalés, Billy the kid and the green baize vampire se révèle une fiction bien moins mineure qu’elle n’y paraît. Voilà donc un ovni filmique non identifié à découvrir de toute urgence.
Un DVD d’excellente facture qui propose quelques bonus intéressants.
Les bonus :
Quelques compléments bien sympathiques. Outre la possibilité de disposer de la bande son séparée des dialogues, on appréciera l’intervention de Jean-Pierre Dionnet, qui avec son enthousiasme habituel, revient sur le film, son contexte, le réalisateur et les acteurs. En seulement 13 minutes on apprend beaucoup de choses. Les autres bonus sont constitués d’une galerie d’images et des trailers de Susie et les les baker boys et de Bugsy Malone.
L’image :
L’image au format 1.66 4/3 est de très belle qualité. La compression ne pose aucun désagrément, même dans la plupart des scènes sombres du film. Ce film de 1985 donne l’impression de connaître une nouvelle jeunesse.
Le son :
Le son ne dispose que d’un dolby digital stéréo 2.0. Et pourtant, on a le sentiment d’un minimum de répartition spatiale du son. Les nombreuses séquences chantées et surtout la musique bénéficient d’un rendu suffisamment ample pour satisfaire..
Ce film inédit en France est proposé en version originale sous-titrée français uniquement.
Galerie Photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.