Avant la Révolution
Le 14 avril 2019
Malgré une tendance à surligner les effets de style, cette histoire d’inceste dans l’aristocratie suédoise du XVIIIème siècle, esthétiquement superbe, ne manque pas d’allure et la fièvre froide qui l’habite ne laisse pas indifférent.
- Réalisateur : Vilgot Sjöman
- Acteurs : Gunnar Björnstrand, Bibi Andersson, Jarl Kulle, Per Oscarsson, Tina Hedström
- Genre : Drame, Historique, Noir et blanc
- Nationalité : Suédois
- Editeur vidéo : Malavida
- Durée : 1h36mn (1h33mn en DVD)
- Titre original : Syskonbädd 1782
- Date de sortie : 22 février 1967
- Plus d'informations : http://www.malavidafilms.com/malavi...
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– Sortie en Suède : 28 février 1966
L’argument : En Suède, pendant l’été 1782. Après cinq années passées à l’étranger, Jacob retrouve sa sœur Charlotte qui lui annonce son prochain mariage avec le baron Alsmeden. Il en éprouve une étrange jalousie. De son côté Charlotte se fâche quand elle voit son frère courtiser Ebba Lurn au cours d’une soirée...
Notre avis : Présenté et primé dans plusieurs festivals et diffusé commercialement dans au moins quatre pays hors la Suède (Allemagne, Royaume-Uni, France, USA), le troisième long-métrage de Vilgot Sjöman (après Klänningen et 491, tous deux de 1964) dut sans doute cette reconnaissance internationale à ses indéniables qualités esthétiques et à la présence de la star bergmanienne Bibi Andersson, mais aussi au caractère osé de son sujet (l’inceste) et à une représentation décomplexée de la sexualité, marque de fabrique scandinave dans l’esprit de nombreux spectateurs de l’époque, donnant lieu à quelques scènes chastement dénudées.
La dédicace à John Ford - 1633 indique clairement que le scénario, écrit par Sjöman, reprend dans les grandes lignes l’action de la fameuse pièce ’Tis pity she’s a whore - Dommage qu’elle soit une putain que Sjöman avait vue à Paris en 1961 (sans doute dans la mise en scène de Visconti, avec Romy Schneider et Alain Delon).
Mais l’Italie fantaisiste de la pièce élisabéthaine fait place à la Suède des années qui précèdent la Révolution française (titre original Syskonbädd 1782) et le cinéaste, assisté de collaborateurs talentueux (P.A. Lundgren aux décors, Björn Nelstedt et Eva-Lisa Myrenberg aux costumes) applique un soin minutieux à la reconstitution d’époque.
L’esprit des Lumières et le raffinement des mœurs aristocratiques y apparaissent comme le vernis fragile d’une société cruelle où tout écart de la norme est non seulement menacé de châtiment divin, mais aussi sévèrement sanctionné par la loi des hommes. Le personnage de la Mère Küller (Berta Hall), à qui on a coupé les oreilles dans sa jeunesse car elle était soupçonnée d’inceste avec son père et qui, toujours accompagnée de son fils demeuré, est devenue la sorcière du village, fait office de témoin muet rappelant sans cesse cette violence sociale aux protagonistes et au spectateur tentés de l’oublier.
On voit bien ce qu’un tel personnage peut avoir de théorique et le film n’échappe pas totalement à un côté démonstratif, insistant sur les regards inquisiteurs qui se posent sans cesse sur les faits et gestes des héros et forçant un peu artificiellement la crudité de certaines situations tout en maintenant une sidérante beauté formelle.
La splendeur un peu glaçante de la sublime photo en noir et blanc de Lasse Björne et la mise en scène, classique mais quand même très voyante (plans extrêmement rapprochés et brillantes arabesques en tous genres) ne sont d’ailleurs pas loin d’écraser le film sous le poids d’un esthétisme grand style qu’on admire mais qui paraîtra par moments un peu vain.
Sjöman réussit pourtant à insuffler à Syskonbädd 1782 une véritable fièvre grâce à sa sensibilité atmosphérique (la chaleur moite de l’été au bord du lac ou le froid de l’hiver), la présence très troublante des animaux (le chat dont on suit les déplacements pendant la première nuit d’amour de Charlotte et de son futur époux) et l’interprétation intense de Bibi Andersson, fière et fragile, et de ses partenaires. Pers Oscarsson (Jacob), qui triomphait la même année dans l’adaptation de La faim de Knut Hansum par Henning Carlsen, a certes tendance à surjouer un peu trop la nervosité et l’instabilité de son personnage, mais le grand Gunnar Björnstrand, en vieux libertin adonné au délices de la mortification, et Jarl Kulle, qui rend très intriguant le personnage complexe du baron, sont excellents et contribuent à la réussite du film.
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Le DVD
Plaisir des yeux garanti à la vision du remarquable DVD édité par Malavida dans sa collection suédoise où figurent également deux autres films du cinéaste.
Les suppléments
Pas de suppléments vidéo mais un livret de 24 pages (non fourni pour ce test).
Image
La définition est très correcte et l’excellence du rendu de la luminosité et des contrastes permet de se délecter à la vision de la somptueuse photo noir et blanc réalisée par le chef opérateur Lasse Björne.
Son
Son mono net et d’une belle présence qui parvient à donner une réelle profondeur à la reconstitution, grâce aussi au remarquable travail sur les ambiances sonores, à la partition de Ulf Bjötlin et aux nombreuses citations musicales (Gluck, Monsigny, Naumann, Platti et Roman).
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