Le 9 mai 2018
Une très belle invitation cinématographique à la littérature à travers le portrait sobre d’une des plus grandes écrivaines mexicaines du XXe siècle, Rosario Castellanos, qui permit de rendre aux femmes toute la place qu’elles méritent sur la scène sud-américaine.
- Réalisateur : Natalia Beristáin
- Acteurs : Daniel Giménez Cacho, Karina Gidi, Tessa La
- Genre : Drame, Biopic
- Nationalité : Mexicain
- Distributeur : KMBO
- Durée : 1h26mn
- Date de sortie : 9 mai 2018
L'a vu
Veut le voir
Résumé : Rosario Castellanos est encore une étudiante introvertie lorsqu’elle se lance dans l’écriture et rencontre Ricardo Guerra. Alors qu’elle est en passe d’être reconnue comme l’une des plus grandes plumes de la littérature mexicaine, l’homme qu’elle aime devient son rival. C’est en restant fidèle à ses choix de femme, de mère et de poétesse que Rosario combattra une société dirigée par les hommes et fera entendre les voix des femmes.
Notre avis :Le générique s’ouvre sur des corps embrumés par un flou suggestif, qui s’engagent dans un acte d’amour. Cette femme et cet homme ne sont que la représentation fantasmatique du passé d’une écrivaine, Rosario Castellanos, qui s’apprête à lire devant une assemblée, des extraits de son ouvrage « Les Etoiles d’Herbes ».
C’est toujours une immense gageure que de raconter au cinéma le processus de création d’un écrivain, sans tomber dans le pathos, l’intellectualisme à outrance ou le romantisme exacerbé. Au contraire, la réalisatrice, Natalia Beristain, dont il s’agit du deuxième long-métrage, choisit la pudeur et la simplicité pour dresser le récit tourmenté de ce génie de la littérature sud-américaine, à travers notamment la relation de concurrence entre elle et Ricardo Guerra, qu’elle retrouve justement à l’occasion de cette lecture publique.
Les destins des grands écrivains sont toujours incroyables. A commencer par l’issue malheureuse de Castellanos qui succombera à un accident domestique à l’abord de ses 50 ans. D’ailleurs, toute la mise en scène s’évertue à mettre en valeur, au milieu des décors, des accessoires du quotidien qui constituent la fabrique même du processus d’écriture. Ce peut être une lampe qui grésille, une tasse de café, posée au coin d’un bureau, ou encore la chevelure d’une femme prise de dos.
Tout est une invitation à l’écriture et l’on perçoit, avec ravissement, les liens très ténus qui existent entre l’existence réelle d’un être et la façon qu’elle a de sublimer son quotidien.
La machine à écrire et le son mécanique des touches ou du rouleau qui enserre le papier illustrent l’acharnement qu’il faut pour parvenir à l’œuvre. On pense à d’autres écrivaines célèbres comme Marguerite Duras qui ne pouvait pas faire autrement que de superposer sa propre existence avec le geste de l’écriture, se plaisant notamment à répéter dans des interviews célèbres, son obsession de la littérature. Cela n’est pas sans faire écho d’ailleurs à une scène où la jeune Rosario Castellanos confie à celui qui sera son mari, Ricardo Guerra, son désir d’écriture, et lui de répondre qu’il n’y a pas de choix entre l’écriture et la vie. Naturellement, il se trompe, et c’est l’occasion pour la réalisatrice de s’immiscer dans la vie de ce couple qui se jalouse et s’oppose, quand l’une s’épuise dans les mots, et l’autre, face à la page vide, s’enfuit dans l’adultère.
La musique discrète qui accompagne le film est à l’image de la mise en scène qui choisit résolument l’épure. La douleur, lisible sur le visage de Rosario, ne s’encombre pas de cris, de fulgurances de toutes sortes. Elle est immédiatement perceptible quand un mot est retenu pendant un cours ou une conférence, quand un regard est jeté sur un bébé qui pleure à quelques mètres de la salle, quand un corps s’empêche pour un autre derrière un drap transparent. Au fur et à mesure que le récit se déroule, on sait que le drame surviendra et qu’il aura raison de l’écrivaine. Mais la réalisatrice n’en dit rien, elle laisse au spectateur le choix de réinventer le destin de son héroïne, qui est autant une figure de la littérature qu’un personnage romanesque.
Il faut souligner l’interprétation magistrale de Karina Gidi. Il suffit qu’elle rentre dans une salle bondée de lecteurs pour que l’on reconnaisse l’étoffe de l’écrivaine, indépendamment du geste de l’écriture qu’elle accomplit sur la machine à dactylographier. Face à elle, il y a la figure de la jeune Rosario Castellanos, jouée par Tessa La Gonzales Norvind. Les deux femmes se répondent grâce à un subtil montage qui mêle, sans jamais tomber dans l’académisme ou la lourdeur stylistique, le récit du passé et le récit du présent de la narration. En ce sens, le film fait lui-même œuvre de littérature. Il mélange les temporalités, et ponctue en permanence l’histoire de scènes courtes, très suggestives où il est tout autant question d’amour, de tristesse que de vie.
Galerie Photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.