Rock, obsèques et jeux vidéo
Le 17 décembre 2020
Cadavre exquis cinématographique, Little Zombies est un de ces films à la fois absurde et virtuose, comme seul le Japon en produit : le résultat est réjouissant, mais il est toutefois un peu regrettable que le réalisateur semble y laisser la forme prendre le pas sur le fond.
- Réalisateur : Makoto Nagahisa
- Acteurs : Keita Ninomiya, Mondo Okumura, Satoshi Mizuno, Sena Nakajima
- Genre : Comédie
- Nationalité : Japonais
- Distributeur : Eurozoom
- Durée : 2h00mn
- Titre original : ウィーアーリトルゾンビーズ (We Are Little Zombies)
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Résumé : Leurs parents sont morts. Ils devraient être tristes, pourtant ils ne pleurent pas. À la place, Hikari, Ikuko, Ishi and Takemura montent un groupe de rock explosif ! Ces quatre adolescents que le chagrin n’accable pas, vont trouver ensemble une nouvelle voie, celle de la musique.
- Copyright : Nikkatsu / Eurozoom
Critique : Le Japon a la particularité de proposer au spectateur des longs-métrages d’une loufoquerie à nulle autre pareille, pour ainsi dire, sans mauvais jeu de mots, idiosyncratiques : on pense, pour en rester à ceux qui ont pu bénéficier d’une sortie française, à Getting Any ? (みんな やってるか !) (1995) de "Beat" Takeshi Kitano, The Taste of Tea (茶の味) (2004) de Katsuhito Ishii, Zebraman (ゼブラーマン) (2004) de Takashi Miike ou encore Saya Zamouraï (さや侍) (2010) de Hitoshi Matsumoto. C’est donc dans une tradition burlesque bien établie que s’inscrit Makoto Nagahisa pour son premier long-métrage.
C’est pourtant comme le Nobody Knows (誰も知らない) (2004) de Hirokazu Kore-eda que commence Little Zombies, à ceci près que les quatre enfants du film ne sont pas frères et sœur et que leurs parents ne les ont pas abandonnés pour rejoindre des amants, mais sont tragiquement décédés : c’est d’ailleurs au crématorium, à leurs incinérations respectives, que les personnages se rencontrent et débutent une amitié qui les amène à fonder, en improvisant un tube à partir de la musique de leur gameboy, un groupe de rock, dont le spectateur assiste à la fulgurante ascension et à la chute tout aussi brutale.
- Copyright : Nikkatsu / Eurozoom
Comme Hirokazu Kore-eda (chez lequel l’acteur principal de Little Zombies a d’ailleurs joué), Makoto Nagahisa film son récit à hauteur d’enfants, un parti pris qui lui permet de mettre en scène autant d’imaginaires débridés qu’il a imaginé de protagonistes : en résulte un long-métrage polyphonique, au sens aussi bien musical que narratologique du terme, qui, au fil de segments présentés comme autant de chapitres d’un J-RPG old school à la bande-son composée en 8-bit, réinterprète le réel selon des points de vue et des esthétiques propres à chaque adolescent. Fuir des contrôleurs dans un train de banlieue peut ainsi permettre, pourvu que l’on suppose que les wagons se déplacent à la vitesse de la lumière, de découvrir comment remonter le temps...
Mais Makoto Nagahisa prolonge surtout avec le film son court-métrage And So We Put Goldfish in the Pool (そうして私たちはプールに金魚を) (2017) dans lequel quatre adolescentes, confrontées à la médiocrité et au consumérisme régnant dans leur ville de province, considéraient qu’elles étaient nées pour être des zombies : passant d’écrans pixelisés de jeux vidéo à des scènes filmées en Super 8 ou au smartphone, le long-métrage s’interroge ainsi sur le risque que les écrans, en interposant leur continuelle médiation, ne crée une génération d’adolescents apathiques dont la révolte ne ferait qu’alimenter le système qui les a produits, et profite des nombreux épisodes qui en composent la trame pour dénoncer, principalement sur le mode de la satire, le cynisme de la société du spectacle et le risque que les réseaux sociaux s’érigent en tribunaux populaires.
- Copyright : Nikkatsu / Eurozoom
Mais, une fois passée la satisfaction d’avoir déniché un objet cinématographique non identifié, point la désagréable impression que Makoto Nagahisa se laisse séduire par ce qu’il prétend dénoncer. D’autant qu’alors que les expériences visuelles et sonores se multiplient, le spectateur a à peine le temps d’apprécier un plan original ou une trouvaille de mise en scène que le réalisateur, tout aussi adepte du zapping que ses personnages, est déjà passé à la séquence suivante.
Little Zombies a remporté, lors de l’édition 2018 du Festival du film de Sundance, le Prix spécial du jury pour son originalité, et a également reçu, en 2019, une Mention spéciale dans la catégorie "Generation 14plus" de la 69e Berlinale. Sa sortie est pour l’instant reportée en raison de la fermeture des cinémas.
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