"Vous qui entrez ici, abandonnez toute espérance."
Le 13 juillet 2024
Soi Cheang filme les entrailles de Hong-Kong en noir et blanc, entre le ciel et l’enfer, ensevelies sous les déchets et une pluie diluvienne, dans un polar désespéré qui répugnera les âmes sensibles, mais ravira les aficionados du genre.
- Réalisateur : Soi Cheang
- Acteurs : Hiroyuki Ikeuchi, Gordon Lam, Mason Lee, Cya Liu, Yase Liu
- Genre : Drame, Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters, Thriller, Noir et blanc, Policier
- Nationalité : Chinois, Hongkongais
- Distributeur : Kinovista
- Durée : 1h58mn
- Date télé : 21 août 2024 22:55
- Chaîne : Canal+ Cinéma
- Titre original : 智齒 ("Dent de sagesse")
- Âge : Interdit aux moins de 16 ans
- Festival : Festival de Reims 2023, Festival de Berlin 2021
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– Année de production : 2021
– Sortie VOD : 22 février 2023
Résumé : Dans les bas-fonds de Hong kong, un flic vétéran et son jeune supérieur doivent faire équipe pour arrêter un tueur qui s’attaque aux femmes, laissant leur main coupée pour seule signature. Quand toutes leurs pistes s’essoufflent, ils décident d’utiliser une jeune délinquante comme appât.
Critique : On pensait le polar hong-kongais à l’agonie depuis la crise économique de 2008 et remplacé dans le paysage cinématographique mondial par les thrillers sud-coréens, plus brutaux et plus burlesques. Si ses vétérans, John Woo, Johnnie To, Tsui Hark et autres Ringo Lam ne tiennent plus le haut du pavé, le genre est loin d’être définitivement enterré : et Limbo en est la preuve.
- Copyright : Capelight Pictures OHG
Après s’être égaré en Chine continentale dans des superproductions d’inspiration mythologique (la trilogie The Monkey King), Soi Cheang revient à la fois à Hong Kong et au polar, qu’il avait notamment abordé en 2006 avec le très nihiliste Dog Bite Dog, mais en s’autorisant cette fois la Catégorie III, autrement dit l’interdiction aux spectateurs de moins de dix-huit ans.
S’il a déjà plus de vingt longs-métrages à son actif, le réalisateur n’en est pas moins proche de la Milky Way Image, qui produisit deux de ses films, Accident (2009) et Motorway (2012), et qu’il réunit, pour ainsi dire, de manière informelle en travaillant avec des proches collaborateurs de Johnnie To, le directeur de la photographie Cheng Siu-keung, le monteur David Richardson et la scénariste Au Kin-yee.
- Copyright : Capelight Pictures OHG
Adapté d’un roman de l’écrivain chinois Lei Mi, son nouveau thriller très noir nous fait suivre la traque d’un serial killer insaisissable, un tueur de femmes fétichiste qui, après les avoir violées, leur coupe la main gauche avec une pelle. Celle-ci est pourtant menée par un duo de flics à l’antagonisme archétypal, comme on en a déjà tant vu : Cham Lau (Gordon Lam), vieux briscard mutique et cabossé depuis l’accident de la route qui a envoyé sa femme dans le coma, et dont les méthodes s’avèrent peu conventionnelles, doit faire équipe avec Will Ren (Mason Lee, le fils du réalisateur Ang Lee), jeune officier fraîchement sorti de l’école de police, habillé en costume trois pièces et torturé par une dent de sagesse, à laquelle font référence les titres originaux du film et du roman.
Mais Soi Cheang a l’ingéniosité d’adjoindre à ce duo de buddy movie un personnage féminin, Wong To (la chanteuse et actrice Cya Liu, vue récemment dans Sakra) : jeune voleuse de voitures, aussi solitaire et sauvage, elle sort tout juste d’une peine de prison qu’elle a purgée pour avoir fauché la femme de Cham Lau. Et celui va la forcer à servir d’appât pour attraper le tueur en série, un clandestin d’origine nippone, incarné par Hiroyuki Ikeuchi, qui, depuis Ip Man (2008) et Manhunt (2017), confirme sa stature d’antagoniste japonais préféré des réalisateurs hongkongais.
- Copyright : Capelight Pictures OHG
Thriller crépusculaire, Limbo constitue une plongée dans les bas-fonds poisseux de Hong Kong : la péninsule de Kowloon y ressemble à une décharge à ciel ouvert, jonchée d’immondices, d’ordures et de détritus, s’étant vidée de ses citoyens pour se peupler exclusivement de damnés, trafiquants, toxicomanes et prostituées.
Deux heures durant, l’enquête traîne le spectateur dans un labyrinthe infernal, de barres d’immeuble en bidonvilles, d’égouts suintants en poubelles dégoulinantes, où pourrissent les âmes en peine que la société traite comme des rebuts. Filmé au ras du béton et de la misère, dans la moiteur, la pestilence (l’inspecteur Cham, en fin limier, se repère à l’odorat) et le bourdonnement des mouches, Limbo arpente un enfer dont Soi Cheang arrache des images à la beauté paradoxale.
- Copyright : Capelight Pictures OHG
Le film a, dans un premier temps, été tourné en couleurs, avant d’être basculé dans un noir et blanc expressionniste. Mais Limbo a aussi et surtout été censuré par les autorités, avant d’être interdit de diffusion en Chine : car c’est la noirceur qui domine dans le long-métrage.
De fait, le réalisateur est impitoyable avec le spectateur, à qui il ne laisse jamais de répit, au gré d’un scénario implacable et éreintant, qui n’épargne rien à son personnage féminin principal. D’autant que, dans la dernière section du film, un déluge s’abat sur la ville, noyant l’image sous une pluie torrentielle : comme l’indique le titre international du film, Limbo, Hong kong est devenu l’antichambre de l’enfer, et il n’y aura d’issue que dans l’au-delà.
Après une sélection à la Berlinale et un passage à l’Étrange Festival, "Limbo" a été récompensé par le Grand Prix et le Prix de la critique au dernier festival du film policier Reims Polar. Sorti à Hong-kong il y a trois ans, le film aurait, sans ces récompenses, sans doute échoué sur une plateforme VoD, mais elles ont convaincu le distributeur Kinovista de l’exploiter en salles trois ans après sa sortie hong-kongaise, et ce malgré une interdiction aux moins de 16 ans.
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