Travailler, c’est (t)à bout ?
Le 4 octobre 2023
Un film pour la génération glandeur, pleinement assumé... Un nouveau succès pour la comédie française ? Gaumont croise les doigts...
- Réalisateur : Benjamin Guedj
- Acteurs : Bernard Menez, Isabelle Candelier, Charlotte Le Bon, Benjamin Lavernhe, Félix Moati, Baptiste Lecaplain, Jean-Yves Berteloot, Suliane Brahim, Elisabeth Vitali, David Baiot, Veronika Varga
- Genre : Comédie
- Distributeur : Gaumont Distribution
- Durée : 1h33mn
- Date de sortie : 7 mai 2014
Résumé : Sébastien n’a qu’une ambition dans la vie : ne rien faire. Son horizon, c’est son canapé. Sa vie il ne veut pas la vivre mais la contempler. Mais aujourd’hui, si tu ne fais rien... Tu n’es rien. Alors poussé par ses deux colocs, qui enchaînent stages et petits boulots, la décidée Anna et le pas tout à fait décidé Bruno, Sébastien va devoir faire ... Un peu.
Critique : Connu pour sa participation au scénario du médiocre Cyprien et du nanardesque Il reste du jambon, Benjamin Guedj nous livre un premier film prometteur, d’une grande liberté de ton, à cent lieu du comique gaulois qui ne cesse de polluer nos écrans. De jeunes acteurs, trois valeurs montantes qui se plaisent à jouer ensemble, un sujet brûlant d’actualité, une Charlotte Le Bon sexy en diable et un prix d’interprétation bien mérité au festival de l’Alpe d’Huez pour la composition décalée de Félix Moati. On aime !
Le sujet peut paraître banal et l’argument manquer de substance. Mais c’est justement ce qui éclot au cœur de cette banalité quotidienne vécue par des milliers de Françaises et Français, jeunes et moins jeunes, qui intéresse le cinéaste et vient directement interroger le spectateur sur la place qu’il occupe dans la société. Sébastien, surnommé l’autre, héros sans gloire que d’aucuns voient comme un parasite vivant au crochet de la société, est différent car il refuse de s’insérer dans un réel dont il a manifestement très peur et qu’il fantasme comme étant nécessairement aliénant. Lui va toujours à contre-courant, pas réellement par idéal, simplement car il ne parvient pas à donner du sens à sa vie. Dans une société ultra capitaliste où la norme est définie par le travail vu par beaucoup comme une finalité en soi, Benjamin Guedj nous plonge dans la vie de ce modèle alternatif et radical proposé par le personnage principal, et on ne peut s’empêcher de penser Sébastien comme une version positive du jeune homme rongé de désespoir et dont le monde s’écroule peu à peu décrit par Georges Perec dans son roman Un homme qui dort. Dans Libre et assoupi, le jeune homme, s’il vit dans une réalité fragmentée et passe ses journées à lire, dormir et regarder le plafond, ne vit pas pour autant esseulé et semble parfaitement gérer sa vie entouré de ses deux compères, partageant une certaine idée d’un bonheur fugace qui, on le sait, ne peut durer qu’un temps. Mais au fur et à mesure que le film avance, Sébastien s’aperçoit en contemplant la vie des gens évoluant autour de lui qu’il stagne, malgré ses dix masters qui ne servent à rien d’autre qu’à conceptualiser un idéal de vie qui se trouve vite dépassé par la vie elle-même.
- "Libre et assoupi" : photo du film
- © Thomas Brémond / Les Films du Cap - Gaumont
Si le film n’est pas exempt de défauts, parfois bavard et inégal et peinant à donner à ses personnages une profondeur qui leur permettrait de dépasser l’état d’archétypes, la réalisation de Benjamin Guedj -un peu plate malgré des idées franchement sympas- (on vous laisse découvrir la rencontre entre Sébastien et l’ours échappé du cirque) parvient à donner cette impression d’être à la fois au cœur de l’action et hors du temps. C’est un peu comme si l’oisiveté du personnage principal nous séduisait, mieux, nous contaminait insidieusement, nous donnant l’impression de flotter sur un petit nuage perdu dans le ciel. Du coup, le film apparaît à la fois comme un objet parfaitement concret par les thématiques qu’il brasse (le rapport de l’homme moderne au travail dans une société qui n’échappe pas toujours à la caricature, la réalité des stages en entreprise, véritable esclavage moderne, le passage à l’âge adulte de cette génération qui peine de plus en plus à trouver sa place, les concepts d’amour et d’amitié) et en même temps assez insaisissable. L’idée très allenienne de faire directement s’adresser Sébastien au public tantôt comme un patient à son thérapeute, tantôt comme un romancier privilégiant le discours sur la forme, est alléchante et permet de s’impliquer dans l’histoire dès les premières images du film. En même temps, il y a cette patte typique du jeune réalisateur marqué par une génération de podcasteurs qui confirme la présence d’une réalité toute contemporaine. Vu sous cet angle, Baptiste Lecaplain (Sébastien), humoriste aperçu dans la mini-série Bref et Nous York, acteur intuitif marqué par une nonchalance toute naturelle, fait penser à une version améliorée d’un Hugo tout seul ayant tour à tour ingéré les dialogues de Woody et de Blier.
- Les deux compères en slip rencontrent de curieux voleurs
- © Thomas Brémond / Les Films du Cap - Gaumont
Référence directe à l’un des auteurs les plus iconoclastes du cinéma français et maître à penser de Guedj, une scène particulièrement hilarante où Lecaplain et son colloc Moati (d’une sincérité détonante) se baladent en slip dans un musée parodie Les Valseuses avec un humour opportun. Si le scénario ne suit pas un fil narratif extrêmement élaboré, il glisse ça et là des situations d’une belle cocasserie qui permettent de rigoler un bon coup et de savourer des dialogues de caractère. Même si Libre et assoupi illustre plus qu’il ne dénonce, les bonnes comédies où l’humour possède un certain panache loin du marécage d’académisme de la bien-pensante société française se font de plus en plus rares. Venez donc prendre du bon temps dans cette anti Auberge espagnole qui ne manque pourtant pas de piquant. On vous promet même Denis Podalydès qui se dandine en slip sur une musique rétro... Si si... Alors, « on est pas bien comme ça, à la fraîche, décontractés du gland ? ». Un film idéal contre la léthargie et la morosité ambiante. Si l’avenir appartient aux audacieux, moralité du film, nul doute que Benjamin Guedj devrait faire à nouveau parler de lui.
- "Libre et assoupi" : l’affiche officielle du film
- © Thomas Brémond / Les Films du Cap - Gaumont
Galerie Photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.
birulune 31 janvier 2018
Libre et assoupi - la critique
Les Valseuses avait cartonné car pour la 1ère fois les héros étaient des " pauvres types". On en est loin tellement Capelain semble a sa place dans cette société faite pour les winners ou les contemplatifs ( ya pas d’entre deux). Esprit estudiantin