Le 1er février 2021
Un grand film historique, qui montre dans un souffle tout autant romanesque que réaliste, la cruauté du régime militaire de Franco, obsédé par le purisme catholique et le conservatisme ultra-droitier.
- Réalisateur : Alejandro Amenábar
- Acteurs : Eduard Fernández, Karra Elejalde, Nathalie Poza, Santi Prego
- Genre : Drame historique
- Nationalité : Espagnol
- Distributeur : Haut et Court
- Durée : 1h47mn
- Date télé : 1er février 2021 20:40
- Chaîne : OCS Max
- Titre original : Mientras dure la guerra
- Date de sortie : 19 février 2020
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Résumé : Espagne, été 1936. Le célèbre écrivain Miguel de Unamuno décide de soutenir publiquement la rébellion militaire avec la conviction qu’elle va rétablir l’ordre. Pendant ce temps, fort de ses succès militaires, le général Francisco Franco prend les rênes de l’insurrection. Alors que les incarcérations d’opposants se multiplient, Miguel de Unamuno se rend compte que l’ascension de Franco au pouvoir est devenue inéluctable.
Critique : On a peine à imaginer que cet homme plutôt petit, silencieux, au charisme discutable, pétri de valeurs religieuses, régnera sur l’Espagne de 1936 jusqu’à 1975, année de sa mort, semant la terreur dans son pays, auprès de tous ceux qui seront considérés comme des militants de gauche ou des francs-maçons. En réalité, Lettre à Franco ne pose volontairement pas au centre du récit le personnage du dictateur. Il apparaît même comme timide, insipide, peu cultivé, vivant dans l’ombre de sa femme et des affreux généraux qui l’entourent. D’ailleurs, le film décrit la drôle de façon dont le comité de hauts gradés l’a placé en tête du pouvoir, sans que visiblement lui-même en soit convaincu. Le récit se situe en dehors de ce personnage troublant qui, pourtant, se révélera comme un des plus monstrueux chefs d’Etat d’Europe.
- Copyright Teresa Isabi
Parti pris narratif ou réécriture historique ? Le cinéaste espagnol, Alejandro Amenábar, laisse explicitement planer le doute. Toute sa mise en scène s’attache à suivre l’écrivain controversé, Miguel de Unamuno, comme si Franco était un personnage secondaire à cette saga historique. L’universitaire, placé par le pouvoir militaire comme recteur à vie de la faculté où il travaille, assiste à la montée inévitable du dictateur, avec son lots de crimes politiques, de disparitions et d’incarcérations arbitraires. La stature de l’écrivain est en permanence mise à l’épreuve par son manque de courage, son acharnement contre l’ancien pouvoir royal, et ses retournements politiques et idéologiques qui ont marqué sa vie. Il s’agit d’un personnage riche, complexe, à l’exact opposé de Franco qui disparaît derrière ses militaires hauts en couleur et particulièrement cruels.
- Copyright Teresa Isabi
L’œuvre cinématographique d’Alejandro Amenábar est hantée par la mort. A l’instar des fantômes qui peuplent le film Les Autres, Lettre à Franco est habité par des ombres qui ont été arrêtées par les autorités et dont on sait, à travers le regard de Miguel de Unamuno, qu’elles sont sur le point d’être fusillées ou torturées. Dans la figure de cet écrivain, le réalisateur met en scène l’Espagne tout entière qui essaye de se réveiller des fantômes de son histoire. Force est de constater que le passé sombre de l’Espagne est peu connu en France. On découvre ainsi la mécanique terrifiante des dictatures militaires qui cherchent à se débarrasser des opposants ou de ce qu’ils appellent le cancer de leur idéologie. Le film en rajoute dans la brutalité des autorités, en empruntant un style ouvertement romanesque. L’Espagne est en effet filmée magnifiquement, avec ses forteresses et ses églises sublimes, ses avenues pavées, baignées de lumière. Le romantisme manifeste constitue un parti pris de la mise en scène qui tente de se démarquer d’un témoignage historique froid ou austère, en donnant vie à des personnages denses, passionnés et excessifs.
- Copyright Teresa Isabi
Lettre à Franco est un film d’une redoutable actualité. Mine de rien, Alejandro Amenábar raconte à sa façon le spectre potentiel du basculement de l’Europe dans des régimes autoritaires et réactionnaires. Il décrit la monstruosité de l’antisémitisme qui conforte les extrémistes dans leur idéologie aveugle. Le cinéaste oppose dans son récit deux modèles politiques : le communisme totalitaire et le fascisme droitier. Sans doute, cherche-t-il à suggérer auprès du spectateur qu’entre ces deux exercices du pouvoir, il y a la possibilité d’une démocratie plus juste, équilibrée. L’Espagne n’est pas encore guérie de ce pan de son histoire. Et l’Europe donne à voir des signes inquiétants de montée des populismes. En tout cas, Lettre à Franco est un film qui donne l’espoir que la réflexion intellectuelle, la connaissance et la culture constituent des barrages puissants contre le risque de la dictature et de la pensée courte.
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