Les petits riens T.8 - La chronique BD

Certains auteurs deviennent des références grâce à leur talent scénaristique, d’autres leur style graphique, ou leur humour décalé, voire leur réflexion profonde. Lewis Trondheim a la capacité de réunir toutes ces qualités, et de les exploiter avec une simplicité qui a contribué à son succès. Ce tome n’échappe pas à la règle : les mini récits qui composent chaque planche sont soit truculents, soit facilement identifiables pour le lecteur, qui se reconnait dans le maître ce la BD française contemporaine. Désormais âgé de cinquante-trois ans, l’esprit de Lewis n’a pas pris une ride, ainsi toutes les générations peuvent se reconnaître dans certaines scènes de la vie quotidienne, dans certaines pensées fugaces. Les observations lors de voyages demeurent toujours aussi mordantes, la beauté de certains spectacles ou paysages n’empêchant pas la critique de problèmes sociaux ou juste les embêtements d’un touriste. La concision de ces observations permet une lecture facile, découpée, sans entraves, propre à une série sans prise de tête, mais qui a des accents d’une philosophie moderne par moments.

Côté dessin, la patte de l’artiste se reconnaît comme toujours au premier abord : les formes animales préservent l’anonymat, et très vite on oublie la forme de l’oiseau, avatar de l’auteur. L’apparence de simplicité du dessin ne doit pas masquer des pages détaillées, avec des décors très réalistes, des allures qui sentent le vécu, qui contribuent à créer une richesse dans l’univers de Trondheim. Chaque tome enrichit en effet davantage ce monde que l’auteur découpe, donne à voir et peint, avec son style, de vérité, qui peut mêler sur une même planche le bitume et la plage, les deux étant rendus avec le même soin. C’est cette pertinence pour rendre une rue, un intérieur, et au final le monde entier avec cette possibilité de la beauté en arrière plan et le détritus dans le coin, qui fait en vérité la force des Petits Riens.

Pas vraiment roman graphique, autobiographie choisie, les Petits Riens n’ont pas besoin d’une classification pour être pris au sérieux. Ils sont désormais une référence. En effet, chaque tome apporte toujours davantage, et donne toujours un peu plus de sérénité dans ce chaos environnant.